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THÉÂTRE EN LIBERTÉ.

M’adresse des quatrains ; ça ne m’empêche pas
De faire aller mon peuple à la baguette.

HERR GROOT.

De faire aller mon peuple à la baguette. Au pas !
Taisez-vous ! — C’est ainsi qu’on rend heureux les hommes.
— Je dépense pour vous, donc soyez économes. —
Voilà comme un bon roi parle en père aux manants.

LA MARGRAVE.

Ce sont ces trois enfants qui sont impertinents.
On peut se tirer d’un. Mais de trois ! quelle faute !
Un guêpier de marmots !

Un guêpier de marmots ! Regardant la maison.

Un guêpier de marmots ! La baraque est peu haute.

Elle aperçoit les livres et se met à les feuilleter.

Des livres — Montesquieu, Jean-Jacques, Diderot. —
S’y plaire, c’est fort bien, mais y croire, c’est trop.
— Je croirais au bon Dieu, s’il fallait que je crusse
À quelque chose. Il veut singer le roi de Prusse.
Au fait, ce Frédéric fut jadis à mon gré ;
C’est un roi d’athéisme et de gloire tigré ;
Il a des gens d’esprit à sa cour ; c’est un sage.
Au surplus, je ferai casser ce mariage.
— Nous le remarierons avec d’autres appas
Ayant couronne au front comme il sied. Ce n’est pas
Que je le blâme fort de ce libertinage
D’opinions qu’on a d’ordinaire à son âge.
Il a de qui tenir. L’empereur ni le roi
Ne me font peur, je suis chez eux comme chez moi,
Mon humeur à Schœnbrunn prend ses aises, ricane,
Gronde, et je fais sonner le plancher sous ma canne.
— Je hais les préjugés, ça sent le renfermé.
Mais un duc est un duc. — Oh ! j’aurais tant aimé
Avoir des petits-fils, j’entends des petits princes !
On leur donne des noms d’états et de provinces.
Bavière, embrasse-moi. Saxe, viens te coiffer.
Tyrol, laissez le chat, vous vous ferez griffer.
C’est charmant. Je suis bien à plaindre. Vieillir seule !
Être grand’mère est doux, je ne suis qu’une aïeule.

Regardant le château.

Tout à l’heure j’étais seule en ce grand palais,