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THÉÂTRE EN LIBERTÉ.


IV

À table ! officions. Alléluia, pantoufle !
Hosanna, mistanflûte ! et saute le bouchon !
À table ! Aux clous chapeaux et paletots ! Louchon,
Accroche ton crispin près de ma laticlave.
En séance. Frappez le vin, et non l’esclave.
Paix au monde ! Je bois. Je ne suis pas cruel.
Hurrah ! Monsieur Véry, je suis Pantagruel !
Buvons avec grandeur et sans impatience.
Au jour du jugement, sur votre conscience
Ayez plus de perdreaux, mortels, que de pigeons.
Je mange, vous mangez, ils mangent, nous mangeons !
Que l’Alhambra paraisse, et le Généralife !
Si Bouillon est un duc, homard est un calife.
Emplissez nos cerveaux de palais et d’azur,
Vins ! Montrez-nous Goton planant dans l’éther pur !
Peuple ! j’emplis ma panse et je deviens énorme ;
Je deviens rentier, porc, homme d’état, difforme,
Crétin, triple animal, et pilier de cafés.
Mon âme étouffe et meurt sous les dindons truffés ;
La bourgeoisie en nous avec la mangeaille entre ;
Je suis un être heureux, un imbécile, un ventre.
Foin du poëte maigre et du prophète à jeun !
Foin des blêmes voyants qui, loin du sens commun,
Des chapons, des faisans, et du punch à la glace,
S’en allaient, dans le but de voir Dieu face à face
Au risque de cogner quelque lion bourru,
Souper d’un peu d’eau claire avec un oignon cru !