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THÉÂTRE EN LIBERTÉ.

JACQUOT

Tous les jours. Nous avons mis toutes nos affaires
Derrière un paravent au fond d’un corridor.
Nous avons un grand chose avec du papier d’or.
Nous collons sur le mur des petites images,
Napoléon, Louvel, le bon Dieu, les trois Mages.
Ça nous fait des tableaux. Nous disons : N’entrez pas !
Nous avons un gros livre où nous lisons tout bas ;
C’est des Romains, Caton, Brutus, la République ;
Elle ne comprend pas toujours, et moi j’explique.
Nous nous serrons tout près et nous nous réchauffons.
Nous habillons le chat avec de vieux chiffons,
Et puis nous le couchons auprès de la poupée.
Nini gronde le chat quand sa robe est fripée,
Et, l’autre jour, le chat m’a mordu jusqu’à l’os.
Et des fois nous allons jouer dans le grand clos ;
On nous y laisse entrer quand nous sommes honnêtes,
Et nous cherchons dans l’herbe, et nous prenons des bêtes.

CHIQUOT.

Ce sont les premiers temps d’un véritable amour !

JACQUOT.

Nini chante. Des fois nous jouons au tambour.
Je lui fais peur, je prends une voix de rogomme.

CHIQUOT.

Et lui dérobes-tu des baisers, mon bonhomme ?

JACQUOT.

Qui ça ?

CHIQUOT.

Qui ça ? Des baisers, quoi ! De tout temps les garçons
Ont embrassé le sexe.

JACQUOT.

Ont embrassé le sexe. Oh ! nous nous embrassons !