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THÉÂTRE EN LIBERTÉ.


II

DON CÉSAR. — DON ALCIBIADÈS. — GOULATROMBA.
Cour des miracles de Madrid. Tous les gueux.
DON CÉSAR.

Qu’avez-vous, mon très cher ? Qui vous fait à cette heure
Souffler lugubrement comme un marsouin qui pleure ?
Je vous trouve tragique et bête cet été ?

DON ALCIBIADÈS.

Je l’avoue, ô César, je suis tout contristé
De sentir le lard rance au lieu de la vanille,
Et d’avoir pour chasuble une affreuse guenille
Dont les trous laissent voir ma chair aux curieux.

DON CÉSAR.

Pédant !

Alcibiadès s’éloigne.

Pédant ! Oh ! que je hais ces airs mystérieux,
Et ces prétentions que n’aurait pas un sage
De ne jamais montrer aux gens que son visage !
Mon pourpoint est percé. Je n’en puis mais. Tant pis !

Passe Goulatromba, l’air abattu.

Mais, ô frère de cœur, drapé d’un vieux tapis,
Qu’as-tu, toi ? Fallait-il qu’à ce point je tombasse
De voir Goulatromba marcher l’oreille basse ?
À ces airs éplorés quels malheurs t’ont réduit ?

GOULATROMBA.

J’ai, tel que tu me vois, passé toute la nuit
À fouiller, le cœur plein de projets pacifiques,
Les poches de quatorze ivrognes magnifiques.
J’ai trouvé quatre sous. Ma foi ! j’espérais mieux.