Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome V.djvu/179

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
165
MANGERONT-ILS ?
AÏROLO.

Hein ?

Le roi se jette sur Aïrolo, l’empoigne au collet et l’arrache du parapet.
LE ROI, tendrement.

Hein ? Mourir est affreux. Vis, cher Aïrolo.
Songe à la profondeur effroyable de l’eau,
Au refroidissement de la tombe lugubre,
À l’horreur d’être spectre ! Ami, l’air est salubre,
Le soleil luit, le nid éclôt dans le buisson,
Tout est riant. Pourquoi mourir ? Sois bon garçon.

À part.

Ah ! quelle mine atroce ! et je suis dans sa serre !

Haut, avec charme et caresse.

Je veux transfigurer en splendeur ta misère.
Mes jours ne me sont pas plus sacrés que les tiens.

AÏROLO.

Bah !

LE ROI.

Bah ! Si tu mourais, oui, je mourrais !

AÏROLO.

Bah ! Si tu mourais, oui, je mourrais ! Tiens ! tiens ! tiens !

À part, en riant.

Le sortilège au roi donne cette berlue.

LE ROI.

Vis ! je le veux. Vivons ! c’est chose résolue.
Tu dois avoir beaucoup de talents. Moi le roi,
Non, non, je ne veux pas qu’un homme tel que toi,
Qu’un homme nécessaire à ses semblables, meure.
Quand j’ai vu ton visage honnête tout à l’heure,
Je ne sais quel éclair devant mes yeux passa,
Que te dire ? ton roi t’aime !

AÏROLO.

Que te dire ? ton roi t’aime ! C’est comme ça ?