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THÉÂTRE EN LIBERTÉ.

Vaciller sur ce bandit comme sur mon enfant !
Ah ! que la destinée est donc une drôlesse !
Nul moyen de le faire obéir ; s’il se laisse
Mourir de faim, c’est moi qui pâtis, joug honteux !
En se cassant la patte, il me ferait boiteux.
Du même axe inconnu nous sommes les deux pôles.
Ce rustre est ma moitié. Je sens sur mes épaules
Ma tête chanceler s’il lui tombe un cheveu.
Je deviens l’oncle ; il est le coquin de neveu.
S’il est égratigné, la peau me cuit. S’il tousse,
J’entends en moi le coq du sépulcre qui glousse.
Je maigris si le drôle a de mauvaises mœurs ;
S’il se blesse je saigne, et s’il crève je meurs.
Je suis son compagnon de chaîne.

Je suis son compagnon de chaîne. Désespéré et rêvant.

Je suis son compagnon de chaîne. Épouvantable !

Avec précipitation.

Ah ! je voudrais pouvoir le lier sur la table
Du supplice et le faire écorcher vif ! J’aurais
Du plaisir à le voir pendu dans ces forêts
Ou broyé sous les pieds des chevaux dans l’étable !

À Aïrolo.

— Tiens, je te veux du bien. Vis !

AÏROLO, à part.

— Tiens, je te veux du bien. Vis ! Le roi véritable
Veut que je vive ! Est-il possible ? Il doit avoir
Ses motifs. Mais lesquels ? Il subit un pouvoir
Qui le rend fou. Lequel ?

Qui le rend fou. Lequel ? Haut, au roi.

Qui le rend fou. Lequel ? Allez au diable.

LE ROI.

Qui le rend fou. Lequel ? Allez au diable. Reste
Avec moi, tu me plais, et, quoique bien agreste,
Tu m’es fort agréable, ô rustre !

AÏROLO.

Tu m’es fort agréable, ô rustre ! Ah çà ! pourquoi ?