Pour ton deuil, pour ta cendre, et pour ton anathème,
Ô spectre, et pour l’éclipse énorme que tu fais.
Mort, je ne te crains pas. Loin de toi j’étouffais.
Salut ! Sans peur, vers moi, dans le blême empyrée,
Je regarde approcher ta main démesurée.
Salut dans les parfums, salut dans les chansons,
Salut dans les cités, les fleuves, les moissons,
Dans tout ce que tu mords, dans tout ce que tu ronges,
Et dans tous ces vivants dont tu feras des songes !
Tu vas me chuchoter l’ineffable secret.
J’étais sûre qu’un jour quelqu’un me le dirait.
Je m’étais accoudée au bord de la science.
J’attendais, imitant la morne patience
Des arbres, des buissons et des rochers muets.
Cent bourreaux accouraient dès que je remuais ;
Devant l’homme, par qui la création souffre,
Ma vie est une fuite, enfin j’arrive au gouffre !
J’arrive chez toi, mort ! J’écoute, apercevant
Une dispersion de larves dans le vent,
Je me dresse, je vois l’ombre où rien ne s’anime,
Et la brume, et les plans inclinés de l’abîme,
Et le seuil pâle où tremble un souffle avant-coureur,
Spectre ! et j’entre joyeuse en cette immense horreur.
Tout vaut mieux que la vie. Adieu, terre.
De l’herbe, des houx verts, des marguerites blanches.
Cache-moi.
Vous quitter ! non ! pardon…
Laisse-moi commencer l’éternel abandon,
Et, muette, épier l’arrivée invisible.
Va !
C’est qu’elle se meurt pour de bon ! — Le possible,