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THÉÂTRE EN LIBERTÉ.

AÏROLO, souriant.

Sois béni. C’est beaucoup pour mes faibles mérites.

ZINEB, regardant autour d’elle les broussailles.

Ce lieu plein de venins me plaît. Port souhaité !
Toute cette herbe, ami, c’est de l’éternité.
C’est de l’évasion. Les poisons sont nos frères.
Ils viennent au secours de nos pâles misères.
Mange une de ces fleurs tragiques de l’été,
Tu meurs. Te voilà libre.

AÏROLO, à part.

Tu meurs. Te voilà libre. Une tasse de thé,
Sucrée et chaude, avec un nuage de crème,
Me plairait mieux.

ZINEB, étendant les bras et respirant avec peine.

Me plairait mieux. Je sens venir l’instant suprême.

Elle aperçoit l’espèce de caveau bas du tombeau ruiné et vide à gauche. Elle s’y traîne. Aïrolo la soutient. Elle se couche dans le tas d’orties et de ciguës qui emplit l’enfoncement et qui le recouvre à demi. Sa voix faiblit de plus en plus.

Tu me mettras la robe odorante des houx
Et des joncs, sous ce mur que hantent les hiboux.

Elle ôte la plume qu’elle a dans ses cheveux. Elle jette un coup d’œil
sur le déguenillement d’Aïrolo.
Des loques ! Aussi lui l’indigence l’affame.
AÏROLO.

Loques. Le mot est dur pour mon linge, madame.
J’en conviens, mon costume a des trous, je le sens,
Qui laissent voir ma chair, mais aux endroits décents.

Zineb lui présente la plume qu’elle a retirée de sa coiffure.
ZINEB.

Noue à présent ceci sur ton chapeau.

AÏROLO.

Noue à présent ceci sur ton chapeau. Madame…