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THÉÂTRE EN LIBERTÉ.

AÏROLO.

Qu’est cet homme ? Quelqu’un qui vous voit rayonner.
Oui, c’est le paradis de s’aimer de la sorte,
Mais toutefois un peu de nourriture importe ;
Vous êtes, j’en conviens, deux anges, mais aussi
Deux estomacs ; daignez me concéder ceci.
Paradis, mais terrestre. Adam voudrait, en somme,
— Pardon ! — sa côtelette ; Ève voudrait sa pomme.
Aimer est bon, manger est doux. Donc, tolérez,
Pendant que vous rêvez et que vous soupirez,
Que moi, l’habitué de la forêt voisine,
L’homme froid, je m’occupe ici de la cuisine.
À propos,

À propos, Montrant les verdures à terre et sur les murailles.

À propos, Sur cette herbe, où courent les faucheux,
J’ai des renseignements complètement fâcheux.
Tout poison. Ne goûtez à rien ici. D’emblée,
Je vous dénonce, moi, cette flore endiablée.

Leur désignant les plantes çà et là.

Lycoperdon. Bolet, qui vous glace le sang.
Ce légume, qui semble un navet innocent,
C’est le tussilago, qu’on nomme aussi pied-d’âne ;
C’est fort bon pour la toux, mais on en meurt. — Me damne
Jupiter, si bientôt, en dépit du danger,

Regardant la statue.

À ta barbe, vieux saint, nous n’avons à manger !

Montrant la forêt à lord Slada et à lady Janet.

On m’aime ici. Je puis, du moins je le complote,
D’un lapin dévoué faire une gibelotte.
Je vais dire à ce bois : Mon camarade, il faut
Te mettre dans l’esprit que l’homme est un gerfaut.
L’homme est vorace. Il est amoureux, mais il dîne.
Donc permets qu’un pigeon devienne crapaudine.
Donne-nous quelque oiseau de bonne volonté ;
Pas trop maigre. Et ce bois intelligent, flatté
D’être utile, indulgent, car lui-même il fut jeune,
Fera ce qu’il pourra pour que l’amour déjeune.
— Ah ! qu’un verre de vin serait le bienvenu !
À jeun, moi j’ai l’esprit rêveur et saugrenu ;
Je bois un coup, l’erreur s’en va, le faux se brise.
Avez-vous remarqué cela ? le vin dégrise.