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MANGERONT-ILS ?

MESS TITYRUS.

Il lui parle. À propos, sire, on dit qu’il existe
Dans le vaste inconnu de cette forêt triste
Une femme tragique et puissante ; on prétend
Qu’elle fait accourir la tempête en chantant.
Ses regards monstrueux inquiètent l’abîme ;
On voit parfois, la nuit, luire sur quelque cime
Ses deux yeux lumineux et fixes, noirs témoins.
On la nomme Zineb. Elle a cent ans au moins.
Le serpent sous ses pieds glisse et n’ose la mordre.

LE ROI.

Je sais, et je la fais chercher. J’ai donné l’ordre
Qu’on me l’amène, et j’ai prescrit à mes baillis
De la tirer un jour du fond de ce taillis,
Tout en y ramassant quelques fagots pour elle.
C’est une créature âpre et surnaturelle ;
Je l’ai vue une fois. Je voudrais qu’on la prît.
J’aime ces êtres-là. Leur effrayant esprit
S’ouvre sur l’avenir ainsi qu’une fenêtre.
Vrai, je ne serais point fâché de la connaître,
Mon cher, et j’aimerais la consulter un peu
Avant de la mêler aux braises d’un bon feu.

MESS TITYRUS.

Bien dit. De plus en plus, monseigneur, c’est d’un sage.

LE ROI, regardant du côté de la chapelle.

Les voilà !

MESS TITYRUS.

Les voilà ! Qui ?

LE ROI.

Les voilà ! Qui ? Janet ! Slada ! — Surcroît de rage !
Ils se sont mariés, mon cher, en arrivant !

MESS TITYRUS.

C’est la loi qu’aux amants impose le couvent.
L’asile est à ce prix. Autrement sous ces dalles