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THÉÂTRE EN LIBERTÉ.
Frappant la terre du pied en la regardant avec dédain.

Moi, croire qu’on vous juge en cette catacombe !
Et que la mort écrit sur le seuil de la tombe :
Essuyez en entrant vos pieds au paillasson !
Contes ! fables ! Je suis sérieux, mon garçon.
Je vis, c’est tout. Je n’ai nulle foi, pas la moindre,
À l’éternel bon Dieu que le mourant voit poindre,
Au Christ dont on nasille à mains jointes le nom,
À l’autre vie, à l’âme, aux fariboles, non.
Moi, vois-tu, je ne crois qu’aux sorciers.

MESS TITYRUS.

Moi, vois-tu, je ne crois qu’aux sorciers. C’est d’un sage.

LE ROI.

Par exemple, un corbeau le soir, mauvais présage.
Une vieille qui voit votre avenir, cela,
J’y crois.

MESS TITYRUS.

J’y crois. Et vous avez raison. L’énigme est là.
Certes, sous le plafond des frênes et des ormes,
Quand un cercle hurlant de spectres et de formes
Tourne dans la clairière à minuit, sous leurs chants,
Sous leurs appels affreux, sous leurs pas trébuchants,
Une acceptation lugubre sort de l’ombre.
Et l’enfant au loin meurt, et la barque au loin sombre.
Ils sont les noirs tyrans du gouffre et du désert ;
On sent que le mystère intimidé les sert ;
Au cimetière, champ que la mort sème et fauche,
Une exsudation de fantômes s’ébauche ;
Qui serait là verrait rôder parmi les croix
Un pêle-mêle obscur de faces et de voix ;
Et l’astre est dans la brume et l’âme est dans le trouble.

LE ROI.

Vois-tu bien, l’homme est simple et le sorcier est double ;
Seul il connaît le fond du verre que je bois.
Il sait quel est le spectre intime de son bois.
Il lui parle.