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MANGERONT-ILS ?

Deux insolents ! dont l’un est la femme que j’aime !
Et parce qu’ils ont eu l’odieux stratagème
De se sauver ici, d’échapper à ma dent,
Je reste là, stupide ! — Est-ce assez impudent,
À qui brave le roi Dieu vient prêter main-forte !
Maître partout ailleurs, devant ce seuil j’avorte.
J’assiste à cet éden comme un Satan transi.
Je regarde cet homme et cette femme ici
Comme une sphère voit passer une autre sphère !
Quoique près, ils sont loin. Et, furieux, que faire ?
Vingt archers sous la main qui ne servent à rien !
Triste, à l’attache, au pied de ce mur, comme un chien,
Je me ronge les poings, et je perds la gageure,

Il arrache une poignée de fleurs.

Et j’écume, et ces fleurs me semblent une injure,
Tandis qu’ainsi qu’Artus et la belle Euriant
Ces amants, à travers les grands chênes, riant
De moi, vile araignée engluée en sa toile,
Contemplent le lever de quelque blanche étoile !

MESS TITYRUS.

Milord…

LE ROI.

Milord… Conseille-moi, car je suis enragé.

MESS TITYRUS, s’inclinant.

Milord…

LE ROI.

Milord… Parle.

MESS TITYRUS.

Milord… Parle. Je suis joueur de flûte, et j’ai
Pour fonction de mettre en musique le règne
De votre altesse. Il sied que le peuple vous craigne ;
Votre sceptre est un fouet, très habile, vraiment.
Apprivoiser, c’est là tout le gouvernement ;
Régner, c’est l’art de faire, énigmes délicates,
Marcher les chiens debout et l’homme à quatre pattes ;
Vous y réussissez, vous atteignez le but ;
On est fort plat. L’impôt, la dîme, le tribut,
Croissent correctement, et, si quelques-uns grondent,