Voit tout, et s'éblouit de tout ce qu'il découvre.
Pour que l'enfer se ferme et que le ciel se rouvre,
Que faut-il? Le bûcher. Cautériser l'enfer.
Vaincre l'éternité par l'instant. Un éclair
De souffrance abolit les tortures sans nombre.
La terre incendiée éteindra l'enfer sombre.
L'enfer d'une heure annule un bûcher éternel.
Le péché brûle avec le vil haillon charnel,
Et l'âme sort, splendide et pure, de la flamme,
Car l'eau lave le corps, mais le feu lave l'âme.
Le corps est fange, et l'âme est lumière; et le feu
Qui suit le char céleste et se tord sur l'essieu,
Seul blanchit l'âme, étant de même espèce qu'elle.
Je te sacrifierai le corps, âme immortelle!
Quel père hésiterait? Quelle mère, voyant
Entre le bûcher saint et l'enfer effrayant
Pendre son pauvre enfant, refuserait l'échange
Qui supprime un démon et qui refait un ange?
Oui, c'est là le vrai sens du mot Rédemption .
Éternelle Gomorrhe, éternelle Sion,
Nul ne fera jamais descendre un peu de joie
De celle qui rayonne à celle qui flamboie,
Mais Dieu permet du moins qu'on sauve l'avenir!
Plus de damnés! la torche auguste vient bénir.
Ah! le temps presse! Hélas, le mal du monde empire;
Une seconde fois Jésus saignant expire;
Tout est méchant, tout est mauvais, tout est penché;
Il pousse d'heure en heure une branche au péché,
Arbre fatal, rameau que Dieu vers lui ramène,
Mais qu'Eve, hélas, courba jusqu'à la lèvre humaine!
Plus de foi. Juifs relaps, moines rompant leurs voeux,
Bégards, nonnes laissant repousser leurs cheveux,
L'un arrache une croix, l'autre souille une hostie.
La foi meurt sous l'erreur comme un lys sous l'ortie.
Le pape est à genoux. Devant qui? Devant Dieu? Non.
Devant l'homme. Il craint César. Rome, avant peu,
Soumise aux rois, sera servante de Ninive.
Un pas de plus, le monde est perdu. Mais j'arrive.
Me voici. Je ramène avec moi les ferveurs.
Pensif, je viens souffler sur les bûchers sauveurs.
Terre, au prix de la chair je viens racheter l'âme.
J'apporte le salut, j'apporte le dictame.
Gloire à Dieu! joie à tous! Les coeurs, ces durs rochers,
Fondront. Je couvrirai l'univers de bûchers,
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