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le brasier.

Entendez-vous Satan hurler de les voir fuir?

Que l'éternel forçat pleure en l'éternel bouge!

J'ai poussé de mes poings l'énorme porte rouge.

Oh! comme il a grincé lorsque je refermais

Sur lui les deux battants hideux, Toujours, Jamais!

Sinistre, il est resté derrière le mur sombre.

Il regarde le ciel.

Oh! j'ai pansé la plaie effrayante de l'ombre.

Le paradis souffrait; le ciel avait au flanc

Cet ulcère, l'enfer brûlant, l'enfer sanglant;

J'ai posé sur l'enfer la flamme bienfaitrice,

Et j'en vois, dans l'immense azur, la cicatrice.

C'était ton coup de lance au côté, Jésus-Christ!

Hosanna! la blessure éternelle guérit. Plus d'enfer.

C'est fini. Les douleurs sont taries.

Il regarde le quemadero.

Rubis de la fournaise! ô braises! pierreries!

Flambez, tisons! brûlez, charbons! feu souverain,

Pétille! luis, bûcher! prodigieux écrin

D'étincelles qui vont devenir des étoiles!

Les âmes, hors des corps comme hors de leurs voiles,

S'en vont, et le bonheur sort du bain de tourments!

Splendeur! magnificence ardente! flamboiements!

Satan, mon ennemi, qu'en dis-tu?

En extase.

Feu! lavage De toutes les noirceurs par la flamme sauvage!

Transfiguration suprême! acte de foi!

Nous sommes deux sous l'oeil de Dieu, Satan et moi.

Deux porte-fourches. Lui, moi. Deux maîtres des flammes.

Lui perdant les humains, moi secourant les âmes;

Tous deux bourreaux, faisant par le même moyen

Lui l'enfer, moi le ciel, lui le mal, moi le bien;

Il est dans le cloaque et je suis dans le temple.

Et le noir tremblement de l'ombre nous contemple.

Il se retourne vers les suppliciés.

Ah! sans moi, vous étiez perdus, mes bien aimés!

La piscine de feu vous épure enflammés.

Ah! vous me maudissez pour un instant qui passe,

Enfants! mais tout à l'heure, oui, vous me rendrez grâce

Quand vous verrez à quoi vous avez échappé;

Car, ainsi que Michel archange, j'ai frappé;