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madame ! ayez pitié de lui et de moi. Il ne vous a rien fait, lui. Qu’il ne sache rien de ceci, au nom du ciel ! Au nom du ciel ! qu’il ne sache pas que je suis coupable, il se tuerait. Qu’il ne sache pas que je suis morte, il mourrait.

LA REINE.

L’homme dont vous parlez est là qui vous écoute, qui vous juge et qui va vous punir.

Gilbert se montre.
JANE.

Ciel ! Gilbert !

GILBERT, à la reine.

Ma vie est à vous, madame.

LA REINE.

Bien. Avez-vous quelques conditions à me faire ?

GILBERT.

Oui, madame

LA REINE.

Lesquelles ? Nous vous donnons notre parole de reine que nous y souscrivons d’avance.

GILBERT.

Voici, madame. — C’est bien simple. C’est une dette de reconnaissance que j’acquitte envers un seigneur de votre cour qui m’a fait beaucoup travailler dans mon métier de ciseleur.

LA REINE.

Parlez.

GILBERT.

Ce seigneur a une liaison secrète avec une femme qu’il ne peut épouser, parce qu’elle tient à une famille proscrite, Cette femme, qui a vécu cachée jusqu’à présent, c’est la fille unique et l’héritière du dernier lord Talbot, décapité sous le roi Henri VIII.

LA REINE.

Comment ! es-tu sûr de ce que tu dis là ? Jean Talbot, le bon lord catholique, le loyal défenseur de ma mère d’Aragon, il a laissé une fille, dis-tu ? Sur ma couronne, si cela est vrai, cette enfant est mon enfant ; et ce que Jean Talbot a fait pour la mère de Marie d’Angleterre, Marie d’Angleterre le fera pour la fille de Jean Talbot.

GILBERT.

Alors ce sera sans doute un bonheur pour Votre Majesté de rendre à la fille de lord Talbot les biens de son père ?