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Sois heureux ! — Maintenant, Otbert, écoute et voi,
Vois, je ne suis plus père, et je ne suis plus roi ;
Ma famille est captive et ma tour est tombée ;
J'ai dû livrer mes fils; j'ai, la tête courbée,
Dit sauver l'Allemagne, oui, — mais je dois mourir.
Or, ma main tremble. Il faut m'aider, me secourir...
Il tire du fourreau le poignard qu'Otbert porte à sa ceinture et le lui présente.
C'est de toi que j'attends ce service suprême.

Otbert, épouvanté.
De moi ! mais savez-vous que je cherche, ici même,
Quelqu'un...

Job.
Fosco! c'est moi.

Otbert.
Vous!
Reculant et promenant ses yeux dans l'ombre autour de lui.
Qui que vous soyez,
Spectre qui m'entourez, démons qui me voyez,
C'est lui! c'est le vieillard que j'honore et que j'aime !
Prenez pitié de nous dans ce moment suprême !
—Tout se tait!— Oh ! mon Dieu! c'est Job ! comble d'effroi!
Avec désespoir et solennité.
Jamais je ne pourrai lever la main sur toi,
O vieillard ! demi-dieu du Rhin ! tête sacrée !

Job.
Mon Otbert ! du sépulcre aplanis-moi l'entrée.
Faut-il te dire tout? Je suis un criminel.
Ton épouse en ce monde et ta sœur dans le ciel,
Elle est là ! Régina, pâle, glacée et belle,
Celle à qui tu promis de faire tout pour elle,
De la sauver toujours, car l'amour est vertu,
Quand tu devrais, au seuil du tombeau, disais-tu,
Rencontrer le démon ouvrant l'abîme en flamme,
Et lui payer cet ange en lui livrant ton âme !
La mort la tient ! la mort lève son bras maudit,
Dont l'ombre, à chaque instant autour d'elle grandit!
Sauve-la!

Otbert, égaré
. Vous croyez qu'il faut que je la sauve?

Job.