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Votre enfant comme à moi ! Vraiment, je vous le jure! —
Oh ! j'ai déjà souffert beaucoup, je vous assure.
Je suis puni ! — Le jour où l'on vint m'annoncer
Que George était perdu, qu'on avait vu passer
Quelqu'un qui l'emportait, je me crus en délire.
— Je n'exagere pas : on a pu vous le dire. —
J'ai crié ce seul mot : Mon enfant enlevé!
Figurez-vous, je suis tombé sur le pavé !
Pauvre enfant ! Quand j'y pense il courait dans les roses,
Il jouait! — N'est-ce pas, ce sont là de-ces choses
Qui torturent ? jugez si j'ai souffert! — Eh bien!
Ne fais pas un forfait plus affreux que le mien!
Ne souille pas cette âme encor pure et divine!
Oh! si tu sens un cœur battre dans ta poitrine !...

Guanhumara.
Un cœur? Je n'en ai plus. Tu me l'as arraché.

Job.
Oui, je veux bien mourir, dans ce tombeau couché,
— Pas de sa main! —

Guanhumara.
Le frère ici tua le frère.
Le fils ici tûra le père.

Job, à genoux, les mains jointes, se traînant aux pieds de Guanhumara.
A ma misère
Accorde une autre mort. Je t'en prie !

Guanhumara.
Ah! Maudit!
Je te priais aussi, je te l'ai déjà dit,
A genoux, le sein nu, folle et désespérée.
Te souviens-tu qu'enfin, me levant égarée,
Je criai : — Je suis Corse! — et je te menaçai ?
Alors, tout en jetant ta victime au fossé,
Me repoussant du pied avec un rire étrange,
Tu me dis ! Venge-toi si tu peux! Je me venge!

Job, toujours à genoux.
Mon fils ne t'a rien fait! Grâce! Je pleure! Voi !
Songe que je t'aimais ! J'étais jaloux !

Guanhumara.