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disiez ce que je vous commanderai de dire, quoi que ce soit. J’ai besoin qu’il n’y ait plus pour vous ni faux ni vrai, ni bien ni mal, ni juste ni injuste, rien que ma vengeance et ma volonté. J’ai besoin que vous me laissiez faire et que vous vous laissiez faire. Y consentez-vous ?

GILBERT.

Madame…

LA REINE.

La vengeance, tu l’auras. Mais je te préviens qu’il faudra mourir. Voilà tout. Fais tes conditions. Si tu as une vieille mère, et qu’il faille couvrir sa nappe de lingots d’or, parle, je le ferai. Vends-moi ta vie aussi cher que tu voudras.

GIIBERT.

Je ne suis plus décidé à mourir, madame.

LA REINE.

Comment !

GILBERT.

Tenez, majesté, j’ai réfléchi toute la nuit. Rien ne m’est prouvé encore dans cette affaire. J’ai vu un homme qui s’est vanté d’être l’amant de Jane. Qui me dit qu’il n’a pas menti ? J’ai vu une clef. Qui me dit qu’on ne l’a pas volée ? J’ai vu une lettre. Qui me dit qu’on ne l’a pas fait écrire de force ? D’ailleurs, je ne sais même plus si c’était bien son écriture, il faisait nuit, j’étais troublé, je n’y voyais pas. Je ne puis donner ma vie, qui est la sienne, comme cela. Je ne crois à rien, je ne suis sûr de rien. Je n’ai pas vu Jane.

LA REINE.

On voit bien que tu aimes ! tu es comme moi, tu résistes à toutes les preuves. Et si tu la vois, cette Jane, si tu l’entends avouer le crime, feras-tu ce que je veux ?

GILBERT.

Oui. À une condition.

LA REINE.

Tu me la diras plus tard.

À Simon Renard.

— Cette femme ici tout de suite !

Simon Renard sort. La reine place Gilbert derrière un rideau qui occupe une partie du fond de l’appartement.

— Mets-toi là.

Entre Jane, pâle et tremblante.