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Un caveau sombre, à voûte basse et cintrée, d'un aspect humide et hideux. Quelques lambeaux d'une tapisserie rongée par le temps pendent à la muraille. A droite,-uns fenêtre dans le grillage de laquelle on distingue trois barreaux brisés et comme violemment écartés. A gauche, un banc et une table de pierre grossièrement taillés. Au fond, dans l'obscurité, une sorte de galerie dont on entrevoit les piliers soutenant les retombées des archivoltes.

Il est nuit; un rayon de lune entre par la fenêtre et dessine une forme droite et blanche sur le mur opposé.

Au lever du rideau, Job est seul dans le caveau, assis sur le banc de pierre, et semble en proie à une méditation sombre. Une lanterne allumée,est posée sur la dalle à ses pieds. Il est vêtu d'une sorte de sac en bure grise.



Scène I


Job, seul.
Que m'a dit l'empereur? et qu'ai-ie répondu?
Je n'ai pas compris. — Non. — J'aurai mal entendu.
Depuis hier en moi je ne sens qu'ombre et doute ;
Je marche en chancelant, comme au hasard ; ma route
S'efface sur mes pas; je vais, triste vieillard;
Et les objets réels, perdus sous un brouillard,
Devant mon œil troubla, qui dans l'ombre eu vain plonge,
Tremblent derrière un voile ainsi que dans un songe.
Rêvant.
Le démon joue avec l'esprit des malheureux.
Oui, c'est sans doute un rêve. — Oui, mais il est affreux !
Hélas ! dans notre cœur, percé de triples glaives,
Lorsque la vertu dort, le crime fait les rêves.
Jeune, on rêve au triomphe, et vieux au châtiment.
Deux songes aux deux bouts du sort. — Le premier ment.
Le second dit-il vrai ?
Moment de silence.
Ce que je sais pour l'heure,
C'est que tout a croulé dans ma haute demeure.
Frédéric Barberousse est maître en ma maison.
O douleur! — C'est égal ! j'ai bien fait, j'ai raison,