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II serait innocent comme toi. —Viens ! je t'aime.
Depuis quelques instants Guanhumara est entrée et observe du fond du théâtre sans être vue. — Job presse Otbert dans un étroit embrassement et pleure.

Parfois, en te voyant, je me dis : C'est lui-même !
Par un miracle ctrange et charmant à la fois,
Tout en toi, ta candeur, ton air, tes yeux, ta voix,
En rappelant ce fils à mon âme affaiblie,
Fait que je m'en souviens et fait que je l'oublie.
Sois mon fils.

Otbert.
Monseigneur !

Job.
Sois mon fils. — Comprends-tu ?
Toi, brave enfant, épris d'honneur et de vertu,
Fils de rien, je le sais, et sans père ni mère,
Mais grand cœur, que remplit une grande chimère,
Sais-tu, quand je te dis : Jeune homme, sois mon fils!
Ce que je veux te dire et ce que je te dis ?
Je veux dire...
A Otbert et à Régina.
Ecoutez.
...Que passer sa journée
Près d'un pauvre vieillard, face au tombeau tournée,
Du matin jusqu'au soir vivre comme en prison,
Quand on est belle fille et qu'on est beau garçon,
Ce serait odieux, affreux, contre nature,
Si l'on ne pouvait pas, dans cette chambre obscure,
Par-dessus le vieillard, qui s'aperçoit du jeu,
Se regarder parfois et se sourire un peu.
Je dis que le vieillard en a l'âme attendrie,
Que je vois bien qu'on s'aime — et que je vous marie !

Régina, éperdue de joie.
Ciel!

Job, à Régina.
Je veux achever ta guérison, moi !

Otbert.
Quoi ?

Job, à Régina.
Ta mère était ma nièce et t'a léguée à moi.
Elle est morte. — Et j'ai vu, comme elle, disparaître,
Hélas ! sept de mes fils, les plus vaillants peut-être,