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Vous êtes chez cet homme.
Soyez le bienvenu, seigneur. C'est moi qu'on nomme
Job-le-Maudit.
Montrant Magnus.
Voici mon fils à mes genoux,
Montrant Hatto, Gorlois et les autres.
Et les fils de mon fils, qui sont moins grands que nous,
Ainsi notre espérance est bien souvent trompée,
Or, de mon père mort je tiens ma vieille épée,
De mon épée un nom qu'on redoute, et du chef
De ma more je tiens ce manoir d'Heppenheff.
Nom, épée et château, tout est à vous, mon hôte,
Maintenant, parlez-nous à cœur libre, à voix haute.

Le Mendiant.
Princes, comtes, seigneurs, — vous, esclaves, aussi ! —
J'entre et je vous salue, et je vous dis ceci :
Si tout est en repos au fond de vos pensées,
Si rien, en méditant vos actions passées,
Ne trouble vos cœurs, purs comme le ciel est bleu,
Vivez, riez, chantez!—Sinon, pensez à Dieu!
Jeunes hommes, vieillards aux longues destinées,
— Vous, couronnés de fleurs, — vous, couronnés d'années,
Si vous faites le mal sous la voûte des cieux,
Regardez devant vous et soyez sérieux.
Ce sont des instants courts et douteux que les nôtres;
L'âge vient pour les uns, la tombe s'ouvre aux autres.
Donc, jeunes gens, si fiers d'être puissants et forts,
Songez aux vieux; et vous, vieillards, songez aux morts!
Soyez hospitaliers surtout! C'est la loi douce.
Quand on chasse un passant, sait-on qui l'on repousse?
Sait-on de quelle part il vient? — Fussiez-vous rois,
Que le pauvre pour vous soit sacré! — Quelquefois,
Dieu, qui d'un souffle abat les sapins centenaires,
Remplit d'événements, d'éclairs et de tonnerres
Déjà grondant dans l'ombre à l'heure où nous parlons,
La main qu'un mendiant cache sous ses haillons !

ACTE II
Le Mendiant