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Le peuple a jeté des pierres à la reine. Fabiano a jeté son gant au peuple. Misérable fanfaronnade espagnole ! la reine a trouvé cela héroïque. Bonne femme ! — Tiens, l’intrigant ! il était ici avant nous ! le voilà sur la galerie.

SABACTANI.

Il n’a qu’un gant, monsieur le bailli.

SIMON RENARD.

Cet homme est médiocre. Mais il a de l’instinct.

SABACTANI.

Comme il salue tout le monde !

SIMON RENARD.

Il n’est ici que depuis quinze jours et il sait déjà que Paget et Gardiner se haïssent. Regarde. Il a profité d’un moment où Gardiner tournait le dos pour saluer Paget, et maintenant que Paget regarde par ici, voilà le Fabiano qui fait la révérence à Gardiner. Il a de l’instinct.

SABACTANI.

Il arrivera, monsieur le bailli.

SIMON RENARD.

Hé sans doute, et ce n’est pas lui que je voulais à cette place. Qui eût prévu cela ? mais qu’importe, il ne durera pas trois mois. Dès aujourd’hui je déposerai dans sa fortune le germe de sa ruine. Sabactani, tu auras peut-être deux intrigues à mener de front. Ma foi, je ne connais pas d’autre mot, cela s’appelle des intrigues.

SABACTANI.

Vous avez du génie, monseigneur.

SIMON RENARD.

Sabactani, quand une femme règne, le caprice règne. Alors la politique n’est plus chose de calcul, mais de hasard. Les affaires ne se jouent plus aux échecs, mais aux cartes. — Ah ! don Fabiano ! don Fabiano ! je tiens dans ma main tous les fils de votre destinée, tous, y compris la corde pour vous pendre !

FABIANO, l’abordant.

Dieu vous garde longues années, monsieur le bailli !

SIMON RENARD.

Hé, bonjour, seigneur Fabiano. Je ne vous voyais pas.

FABIANO.

Vous êtes le seul ami que j’aie ici, monsieur le bailli.