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ACTE I. — LES CONJURÉS.
LORD BROGHILL.

Ce regard… cette voix…

Mais qui donc êtes-vous ?


LORD ORMOND.

Broghill me le demande !

Rappelez-vous, mylord, les guerres de l’Irlande.
Tous deux ensemble alors nous y servions le roi.


LORD BROGHILL.

C’est le comte d’Ormond ! mon vieil ami, c’est toi !


Il lui prend les mains avec affection.


— Toi dans Londre ! et, grand Dieu ! la veille du jour même
Où Cromwell triomphant s’élève au rang suprême !
Ta tête est mise à prix. Si l’on vient à savoir…
Que fais-tu donc ici, malheureux ?


LORD ORMOND.

Mon devoir.


LORD BROGHILL.

T’ai-je pu méconnaître ? Ah ! — Mais cet air sinistre,
Mylord, — les ans, — surtout cet habit de ministre…
Vous êtes si changé !


LORD ORMOND.

Je le suis moins que vous,

Broghill ! devant Cromwell vous pliez les genoux.
Broghill se courbe aux pieds d’un régicide infâme !
Moi, j’ai changé d’habits, mais toi, de cœur et d’âme !
Te voilà, toi qu’on vit si grand dans nos combats !
Tu ne montais si haut que pour tomber si bas !


LORD BROGHILL, choqué.

Ah ! — vaincu, je vous plains ; proscrit, je vous révère ;
Mais ce langage…

LORD ORMOND.
Est juste autant qu’il est sévère.

Pourtant, écoute-moi, tu peux tout réparer.
Sers-moi…