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MILTON.
Davenant.
CROMWELL , haussant les épaules.
Il l’obtint sous feu Jacques premier !

MILTON.
Puisqu’il garde ses fers, laissons-lui son laurier.
CROMWELL.
C’est cela ! Voilà bien des raisons de poëtes.

Phrases d’une coudée ! Ampoulé que vous êtes !
Et vous voulez régir et gourmander toujours
Les gouverneurs d’états, vous qui passez vos jours
À tourmenter des mots dans des mètres frivoles !

MILTON.
Salomon composa cinq mille paraboles.
Cromwell lui tourne le dos, et fait signe à son fils Richard d’approcher.

CROMWELL, à Richard Cromwell.
Richard, — mon héritier, — il faut présentement

Vous ouvrir la milice avec le parlement.
Je vous fais colonel, pair d’Angleterre, et membre
Du conseil privé.

RICHARD CROMWELL, saluant son père avec embarras.
Mais… les travaux de la chambre…
Mes goûts… — Vous êtes bien mon père et mon seigneur,

Et je suis tout confus, mylord, de tant d’honneur.
Si vous le permettez pourtant, j’ose le dire,
J’ai plus que je ne vaux et que je ne désire.
J’aime les bois, les prés, le loisir, le repos ;
J’aime à chasser des daims et des cerfs par troupeaux ;
Et je tiens à mes champs, — où je ne crains d’émeutes
Que parmi mes faucons, mes gerfauts et mes meutes.

Cromwell mécontent et déconcerté le congédie du geste.
CROMWELL, amèrement à part.
Si l’autre était l’aîné ! — Que sert ce que je fais ?
Entre Carr accompagné du haut-shériff. Il perce lentement la foule, considère avec indignation l’appareil royal qui l’environne, et s’avance gravement vers le trône de Cromwell.