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LE GÉNÉRAL LAMBERT, agenouillé sur les degrés de l’estrade de Cromwell.
Mylord...
OVERTON, bas à Lambert.
C’est moi ! Courage !

LAMBERT, à part.
Il est à mes côtés !
À Cromwell en balbutiant.
Recevez la couronne…
OVERTON, tirant son poignard, bas à Lambert.
Et la mort !
Tous les conjurés, épars dans la foule, mettent à la fois la main sur leurs poignards.

CROMWELL, comme s’éveillant en sursaut.
Arrêtez !
Que veut dire ceci ? Pourquoi cette couronne ?

Que veut-on que j’en fasse ? et qui donc me la donne ?
Est-ce un rêve ? Est-ce bien le bandeau que je vois ?
De quel droit me vient-on confondre avec les rois ?
Qui mêle un tel scandale à nos pieuses fêtes ?
Quoi ! leur couronne, à moi qui fais tomber leurs têtes !
S’est-on mépris au but de ces solennités ? —
Mylords, messieurs, anglais, frères, qui m’écoutez,
Je ne viens point ici ceindre le diadème,
Mais retremper mon titre au sein du peuple même,
Rajeunir mon pouvoir, renouveler mes droits.
L’écarlate sacrée était teinte deux fois.
Cette pourpre est au peuple, et, d’une âme loyale,
Je la tiens de lui. — Mais la couronne royale !
Quand l’ai-je demandée ? Et qui dit que j’en veux ?
Je ne donnerais pas un seul de mes cheveux,
De ces cheveux blanchis à servir l’Angleterre,
Pour tous les fleurons d’or des princes de la terre.
Ôtez cela d’ici ! Remportez, remportez
Ce hochet, ridicule entre les vanités !
N’attendez pas qu’aux pieds je foule ces misères !
Qu’ils me connaissent mal, les hommes peu sincères
Qui m’osent affronter jusqu’à me couronner !
J’ai reçu de Dieu plus qu’ils ne peuvent donner,