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LAMBERT, avec hauteur.
Comment !
OVERTON.
Écoutez-moi. — Pour jeter bas Cromwell,
On fie à votre bras le glaive d’Israël ;

C’est vous qu’on a choisi pour déchirer la trame,
Et pour trancher le nœud de ce terrible drame.
Or vous n’avez reçu que d’un cœur effrayé
Cet honneur, qu’Overton de son sang eut payé.
Vous eussiez bien voulu qu’on vous fît votre tâche.

Je vous connais à fond. — Ambitieux et lâche !
Lambert fait un geste d’indignation. Overton l’arrête.
Laissez-moi dire ! — Ici je laisse de côté

Vos plans, couverts d’un masque assez mal ajusté.
Je ne vous dirai point que mon œil vous pénètre,
Que je sens, quoiqu’au fait il semble encore à naître,
Dans le complot commun sourdre votre complot ;
Vous comptez par nos mains, mylord, vous mettre à flot.
Vous pensez, c’est ainsi que votre orgueil calcule,
Qu’on remplace un géant par un nain ridicule.
Vous voulez de Cromwell simplement hériter,
Et son fardeau n’a rien qui vous fasse hésiter.
Pourtant, mylord, la charge est pour vous un peu forte ;
Je vois la main qui prend, et non le bras qui porte.
Mais rien de plus naïf que ces arrangements
Où vous faites le sort à vos contentements.
Vous vous flattez qu’en tout le peuple vous seconde,
Comme s’il se voyait, dans l’histoire du monde,
Quand sur de libres fronts un joug s’appesantit,
Qu’un tyran soit moins lourd pour être plus petit !

LAMBERT, furieux.
Colonel Overton ! cette injure...
OVERTON.
À votre aise,
Je vous en répondrai. — Pour l’instant, qu’il vous plaise

Entendre par ma voix la rude vérité.
Vous n’êtes pas encor roi, pour être flatté !
Or, sans plus m’occuper de vos rêves d’empire,