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Ni même quand Stuart qui, fier de ses vieux droits,
Pour des rayons de Dieu prit les fleurons des rois,
Avec sa royauté superbe et séculaire,
S’agenouilla devant la hache populaire !
À chacun d’eux j’avais, selon qu’il est écrit,
Cru sous sa forme humaine immoler l’Antechrist ;
Mais je vois aujourd’hui que Sion triomphante
Frappe enfin dans Cromwell ce fatal sycophante,
Et, des marches du trône encor mal affermi,
Le replonge au Tophet d’où Satan l’a vomi !
Quel jour ! — Quel Goliath, l’effroi de l’Angleterre,
À jeter de son haut la face contre terre !

SYNDERCOMB.
Quel beau coup de poignard à donner !
PRIDE.
Quel honneur
Pour ceux qui combattront les combats du Seigneur !
JOYCE, montrant le trône.
Que son sang, sur la pourpre où l’attend notre piège.
Va couler à grands flots !
À ces paroles de Joyce, Barebone, qui jusqu’alors a tout écouté en silence, tressaille, comme agité d’une inquiétude subite.

BAREBONE, se frappant le front, à part.
Au fait, à quoi pensais-je ?
C’est qu’ils vont me tacher mon trône avec leur sang !
Qu’en faire après ? — L’étoffe y perdra vingt pour cent.
Haut, après un instant de recueillement.
Vos discours pour mon âme ont la douceur de l’ambre.

De la communauté je suis le dernier membre,
Frères ; mais écoutez. — Aux saints textes soumis,
Vous voulez poignarder Cromwell. — Est-ce permis ?
Rappelez-vous Malchus, dont l’oreille coupée
De Pierre par Jésus fit maudire l’épée.
N’est-il pas interdit, au nom du Tout-Puissant,
De frapper par le fer et de verser le sang ?
Sur ce point dans vos cœurs s’il reste quelques ombres.
Ouvrez, chapitre neuf, la Genèse ; et les Nombres,

Chapitre trente-cinq.
Explosion de surprise et d’indignation parmi les têtes-rondes.