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TOM.
Ah ! Nahum-l’Inspiré voit les choses de haut.
NAHUM, l’œil fixé sur le trône.
Oui, tréteau pour tréteau, j’aimais encor mieux l’autre.

C’était le tour de Charle ; aujourd’hui c’est le nôtre.
Cromwell sur le drap noir n’immolait que le roi ;
Sur cette pourpre, il va tuer le peuple !

LE CHEF, à Nahum.
Quoi ?
Oser parler ainsi ! — quelqu’un peut vous entendre.
NAHUM.
Que m’importe ? Je suis vêtu du sac de cendre.

Je voudrais pour Cromwell, d’ailleurs, qu’il m’entendît.
S’il veut s’élire roi, qu’il tombe ! il est maudit.
Je lui prédis sa mort, moi, pauvre et misérable.
Qui vaux mieux que cet homme, en sa gloire exécrable ;
Car le Seigneur à Tyr préfère le désert,
La grappe d’Éphraïm au cep d’Abiézer !

LE CHEF, regardant Nahum qui demeure en extase.
Imprudent ! —
À Enoch.
Il nous reste à placer sur l’estrade
Le grand fauteuil royal. — Aidez-moi, camarade !
Tous deux montent les degrés, portant un grand fauteuil très chargé de dorures, recouvert de velours écarlate, étalant sur son dossier les armes du Protecteur brodées en or et relevées en bosse. Ils placent le fauteuil au milieu de l’estrade.

TOM, regardant le siège royal.
Beau fauteuil ! — là-dedans il sera comme un roi.
ENOCH, achevant d’arranger le fauteuil, au chef d’atelier.
La nuit dont vous parliez, c’est moi-même, je croi,

Qui disposai pour Charle un beau billot de chêne,
Muni de ses crampons et de sa double chaîne,
Tout neuf, et qui n’avait servi qu’à lord Strafford.