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RICHARD CROMWELL.
Mon père ne m’eût point pardonné, je croi.
Mais de cette façon à son courroux j’échappe.
CROMWELL, à part.
Tu n’échapperas point, traître ! — Il faut que je frappe.
Point de pitié ! c’est dit.
Il s’avance encore vers Richard, puis hésite.
Mais quoi ! mon premier-né !
Dans un jour de bonheur Dieu me l’avait donné.

C’est mon sang que ce fer va trouver dans ses veines !
Enfant, qu’il m’a donné de maux, de soins, de peines.
Hélas ! et de bonheur ! — Chaque fois qu’à ses yeux
Je paraissais, — soudain, rayonnant et joyeux,
Tendant ses petits bras à mes mains paternelles,
Tout son corps tressaillait, comme s’il eût des ailes.
Il me semblait qu’un astre à mes yeux avait lui,
Quand il me souriait !

RICHARD CROMWELL.
Ma foi, tant pis pour lui.
Mon père est un tyran !
CROMWELL, à part.
Ah ! ce mot me décide.
On cesse d’être fils quand on est parricide.
Il s’avance par derrière son fils le poignard levé.
Meurs, traître ! —
Un bruit de pas sous la poterne. — Cromwell s’arrête et se retourne.
Mais quel bruit dans ces noirs escaliers ?
C’est Ormond qui revient avec ses cavaliers.

De mon fils dans leurs rangs suivons la perfidie ;

Nous dénouerons après toute la tragédie !
Il remet son poignard dans le fourreau. — Entrent les cavaliers, leurs épées à la main, portant au milieu d’eux lord Rochester endormi et bâillonné avec un mouchoir qui lui cache le visage.