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CROMWELL, apercevant Manassé, sur lequel tombe un rayon de sa lanterne.
Dieu ! c’est le juif hideux !
Que vient-il faire ici ? sort-il de quelque tombe ?
MANASSÉ, sans voir Cromwell qui l’écoute.
Des deux partis rivaux qu’importe qui succombe ?

Il coulera toujours du sang chrétien à flots ;
Je l’espère du moins ! c’est le bon des complots.
Qu’Ormond tue Olivier, qu’Olivier le déjoue,
C’est ici qu’à tous deux leur destin se dénoue.
Je veux voir cela, moi ! Tout menace Cromwell...

CROMWELL, à part.
Traître !
MANASSÉ, continuant et levant les yeux au ciel.
Tout, excepté les étoiles du ciel.
Il touche à son trépas, ce semble, et sa planète

Cependant au zénith brille encor pure et nette ;
Et j’ai beau combiner les lignes de sa main,
Je n’y vois de danger réel, — que pour demain.

CROMWELL, à part.
Pour demain ! Que dit-il ? Ces damnés astrologues

Sont-ils donc charlatans jusqu’en leurs monologues ?

MANASSÉ, continuant.
Qu’importe ? Il faut qu’Ormond ou Cromwell soit détruit.
Ils vont s’entr’égorger.
Regardant le ciel étoilé.
— Qu’il fait beau, cette nuit !

CROMWELL, à part.
Après ce courtisan bavard, ce juif impie !

C’est l’immonde corbeau qui remplace la pie.
Il accourt sans pitié, sans dégoût, sans remords
Demander au combat sa pâture de morts.

MANASSÉ, braquant sa lunette vers le ciel.
En attendant qu’ici nos conjurés arrivent.
Étudions un peu les courbes que décrivent