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La candeur d’une enfant, son œil naïf, sa voix.
Font trembler ce Cromwell, l’épouvante des rois !
Devant sa pureté toute ma force expire.
Dois-je persévérer ? Dois-je saisir l’empire ?
Prosterné sous le trône où je serais assis,
Le monde se tairait : — mais que dirait Francis ?
Que dirait son regard, doux comme sa parole,
Et qui m’enchante encore alors qu’il me désole ?
Chère enfant ! que son cœur saurait avec effroi
Que je suis régicide, et que j’ose être roi !
Dans sa province obscure il faut qu’on la renvoie.
Au but de mon destin sacrifions ma joie.
Privons mes derniers ans de ses soins que j’aimais.
N’attristons pas surtout, ne détrompons jamais
Le seul être qui m’aime encor, sans ma puissance.
Et dans le monde entier croie à mon innocence !
Ange heureux ! que mon sort ne touche pas au sien !

Il le faut : soyons roi, sans qu’elle en sache rien.
Haut à Francis.
Conserve ce cœur pur, je t’aime ainsi, ma fille !
Il sort.

LADY FRANCIS, le suivant du regard.
Qu’a-t-il ? C’est dans ses yeux une larme qui brille !
Bon père ! il m’aime tant !
Entrent dame Guggligoy et Rochester.
SCÈNE VI.
LADY FRANCIS, LORD ROCHESTER, DAME GUGGLIGOY.
DAME GUGGLIGOY, à Rochester, au fond du théâtre.
Elle est seule, venez !

LORD ROCHESTER, à part.
Que d’attributs le diable aux doublons a donnés !

J’ai, grâce à leur pouvoir, su rendre moins austères
Une duègne damnée et de saints mousquetaires.
La duègne a cédé vite ; et je croyais d’abord
Moins tendres ces soldats, piliers du Mont-Thabor.