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CROMWELL, d’une voix de tonnerre.
Vous êtes un infâme !
Avec des cavaliers mon fils a, ce matin,

Bu sa part de mon sang dans un hideux festin !

RICHARD CROMWELL.
Mon père !
CROMWELL.
Boire avec des payens que j’abhorre !
À la santé de Charle ! — Un jour de jeûne, encore !
RICHARD CROMWELL.
Je vous jure, mylord, que je n’en savais rien.
CROMWELL.
Garde tes jurements pour ton roi tyrien !

Ne viens pas étaler, traître, sous mes yeux mêmes,
Ton parricide, encore aggravé de blasphèmes !
Va, c’est un vin fatal qui troubla ta raison !
À la santé du roi tu buvais du poison.
Ma vengeance veillait, muette, sur ton crime.
Quoique tu sois mon fils, tu seras ma victime :

L’arbre s’embrasera pour dévorer son fruit.
Il sort.
SCÈNE XX.
RICHARD CROMWELL, seul.

Pour un verre de vin voilà beaucoup de bruit.
Mais boire un jour de jeûne ! — on devient sacrilège,
Traître, blasphémateur, parricide, que sais-je ?
Il vaut mieux, sur ma foi, bien qu’un banquet soit doux.
Jeûner avec des saints que boire avec des fous !
C’est une vérité qu’avant cette journée
Ma pénétration n’aurait pas soupçonnée.

Mon père est hors de lui.
Entre lord Rochester.