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L'HOMME QUI RIT

en espagnol, peu correct, du reste, étant de l’espagnol montagnard. Voici les demandes et les réponses :

— Etcheco jaïma, que es este hombre ?[1]
— Un hombre.
— Que lenguas habla ?
— Todas.
— Que cosas sabe ?
— Todas.
— Qual païs ?
— Ningun, y todos.
— Qual Dios ?
— Dios.
— Como le llamas ?
— El Tonto.
— Como dices que le Hamas ?
— El Sabio.
— En vuestre tropa, que esta ?
— Esta lo que esta.
— El gefe ?
— No.
— Pues, que esta ?
— La alma.

Le chef et le patron se séparèrent, chacun retournant à sa pensée, et peu après la Matutina sortit du golfe.

Les grands balancements du large commencèrent.

La mer, dans les écartements de l’écume, était d’apparence visqueuse ; les vagues, vues dans la clarté crépusculaire à profil perdu, avaient des aspects de flaques de fiel. Çà et là une lame, flottant à plat, offrait des fêlures et des étoiles, comme une vitre où l’on a jeté des pierres. Au centre de ces étoiles, dans un trou tournoyant, tremblait une phosphorescence, assez

  1. — Laboureur de la montagne, quel est cet homme ?
    — Un homme.
    — Quelles langues parle-t-il ?
    — Toutes.
    — Quelles choses sait-il ?
    — Toutes.
    — Quel est son pays ?
    — Aucun, et tous.
    — Quel est son Dieu ?
    — Dieu.
    — Comment le nommes-tu ?
    — Le Fou.
    — Comment dis-tu que tu le nommes ?
    — Le Sage.
    — Dans votre troupe, qu’est-ce qu’il est ?
    — Il est ce qu’il est.
    — Le chef ?
    — Non.
    — Alors, qu’est-il ?
    — L’âme.