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HISTORIQUE DE L’HOMME QUI RIT

le début, protesté contre cet émiettement, avec l’assentiment de Victor Hugo ; il insistait pour la publication en lieux livraisons, l’une en un volume, la seconde en trois avec un intervalle de quinze jours.

Le 24 janvier, Paul Meurice et Vacquerie n’avaient lu encore que le tome I, réclamant impatiemment la suite qui avait été envoyée depuis le 10 et que l’imprimerie tardait à livrer. Aussi Victor Hugo renseignait-il à l’avance ses amis sur la marche du livre ; il écrivait le 27 janvier à Vacquerie :

Du drame dans les faits ce livre passe au drame dans les idées. Tout le tome II y est consacré : histoire, philosophie, cœur humain. Puis le drame proprement dit reprend violemment au tome III jusqu’à la fin. L’ensemble, je crois, satisfera votre grand esprit, Je pense, en effet, n’avoir rien fait de mieux que l’Homme qui rit.

C’est une trilogie qui commence :
L’Aristocratie (l’Homme qui Rit) ;
La Monarchie ;
Quatrevingt-treize.
Là j’aurai fait la preuve de la révolution.
Ce sera le pendant des Misérables.

Le second volume était imprimé, fait en placards, le 7 février ; Lacroix protestait toujours contre l’idée de publier les quatre volumes en même temps, disant qu’il en vendrait quatre mille de moins.

Paul Meurice tenait bon pour la mise en vente presque sans interruption.

Victor Hugo adressait à Lacroix le tome III, le 11 février, et le tome IV, le 17 février.

Auguste Vacquerie et Paul Meurice communiquaient leurs sentiments à Victor Hugo au fur et à mesure qu’ils corrigeaient les épreuves. Vacquerie écrivait :

dans Notre-Dame de Paris, ni dans les Travailleurs de la mer, ni dans les Misérables, vous n’avez commencé d’une façon plus grande ni peut-être aussi intéressante. On est saisi absolument.

Paul Meurice écrivait :

Quant à Gwynplaine et à Dea, l’invention de ce couple, de ces « amoureux assortis » est, dans la pure acception du mot, une trouvaille divine. Oui, c’est des idées du bon Dieu, ça. Seulement comme il ne peut pas les réaliser dans ce monde-ci, il vous charge d’exprimer sa bonne intention et ce qu’il ne demanderait pas mieux que de faire, mais ce qu’il ne peut exécuter que par la main idéale du génie. Avouez que j’ai deviné le secret. Alors ce n’est pas très malin à vous. Eh bien, c’est égal, je vous remercie tout de même de nous donner de telles émotions et de telles larmes.

Le 25 février, Vacquerie réclamait le quatrième volume déjà expédié depuis le 17. Il pressait Victor Hugo : les élections législatives étaient proches et eussent pu amener une diversion préjudiciable à la première explosion.

L’impression du troisième volume était terminée à la fin de février.

Mais une grave querelle éclata entre l’auteur et l’éditeur. Lacroix avait imaginé, dans les premiers jours de mars, toute une combinaison de librairie pour le lancement de l’Homme qui Rit. Il devait écrire à Victor Hugo le 14 pour la lui exposer. À cette date, Victor Hugo n’avait rien reçu ; le 21, Vacquerie avertit Victor Hugo que Lacroix lui avait affirmé avoir écrit le 14. Toujours pas de lettre. Peut-être ce retard était-il justifié par les préoccupations de Lacroix, intéressé dans les affaires de l’imprimerie qui venait de déposer son bilan ? L’imprimerie était en désarroi, les créanciers s’étaient arrangés pour continuer provisoirement à leur compte l’exploitation ; néanmoins pendant plusieurs jours on avait suspendu l’impression du quatrième volume de l’Homme qui Rit. Ce qui était fâcheux en raison de l’approche des élections.

Le 25 mars, Victor Hugo n’avait toujours pas reçu la lettre que Lacroix prétendait lui avoir envoyée, et Paul Meurice se décidait alors à exposer la