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L’HOMME QUI RIT

quelques figures de saints, entre autres saint Édouard, sous les voussures des longues fenêtres ogives coupées en deux par le plancher, desquelles Westminster-Hall avait le bas, et la chambre peinte le haut.

En deçà de la barrière de bois qui traversait de part en part la chambre peinte, se tenaient les trois secrétaires d’état, hommes considérables. Le premier de ces officiers avait dans ses attributions le sud de l’Angleterre, l’Irlande et les colonies, plus la France, la Suisse, l’Italie, l’Espagne, le Portugal et la Turquie. Le deuxième dirigeait le nord de l’Angleterre, avec surveillance sur les Pays-Bas, l’Allemagne, le Danemark, la Suède, la Pologne et la Moscovie. Le troisième, écossais, avait l’Écosse. Les deux premiers étaient anglais. L’un d’eux était l’honorable Robert Harley, membre du parlement pour la ville de New-Radnor. Un député d’Écosse, Mungo Graham, esquire, parent du duc de Montrose, était présent. Tous saluèrent Gwynplaine en silence.

Gwynplaine toucha le bord de son chapeau.

Le garde-barrière leva le bras de bois sur charnière qui donnait entrée sur l’arrière de la chambre peinte où était la longue table verte drapée, réservée aux seuls lords.

Il y avait sur la table un candélabre allumé.

Gwynplaine, précédé de l’huissier de la verge noire, de Manteau Bleu et de Jarretière, pénétra dans ce compartiment privilégié.

Le garde-barrière referma l’entrée derrière Gwynplaine.

Le roi d’armes, sitôt la barrière franchie, s’arrêta.

La chambre peinte était spacieuse.

On apercevait au fond, debout au-dessous de l’écusson royal qui était entre les deux fenêtres, deux vieillards vêtus de robes de velours rouge avec deux bandes d’hermine ourlées de galons d’or sur l’épaule et des chapeaux à plumes blanches sur leurs perruques. Par la fente des robes on voyait leur habit de soie et la poignée de leur épée.

Derrière eux était immobile un homme habillé en moire noire, portant haute une grande masse d’or surmontée d’un lion couronné.

C’était le massier des pairs d’Angleterre.

Le lion est leur insigne : Et les lions ce sont les Barons et li Per, dit la chronique manuscrite de Bertrand Duguesclin.

Le roi d’armes montra à Gwynplaine les deux personnages en robes de velours, et lui dit à l’oreille :

— Mylord, ceux-ci sont vos égaux. Vous rendrez le salut exactement comme il vous sera fait. Ces deux seigneuries ici présentes sont deux barons et vos parrains désignés par le lord-chancelier. Ils sont très vieux, et presque aveugles. Ce sont eux qui vous vont introduire dans la chambre des lords.