Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome VIII.djvu/158

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
140
L'HOMME QUI RIT
— J’ai froid.
— Que fais-tu là ?
— J’ai faim.

La tête répliqua :

— Tout le monde ne peut pas être heureux comme un lord. Va-t’en.

La tête rentra, et le vasistas se ferma.

L’enfant courba le front, resserra entre ses bras la petite endormie et rassembla sa force pour se remettre en route. Il fit quelques pas et commença à s’éloigner.

Cependant, en même temps que la lucarne s’était fermée, la porte s’était ouverte. Un marchepied s’était abaissé. La voix qui venait de parler à l’enfant cria du fond de la cahute avec colère :

— Eh bien, pourquoi n’entres-tu pas ?

L’enfant se retourna.

— Entre donc, reprit la voix. Qui est-ce qui m’a donné un garnement comme cela, qui a faim et qui a froid, et qui n’entre pas !

L’enfant, à la fois repoussé et attiré, demeurait immobile.

La voix repartit :

— On te dit d’entrer, drôle !

Il se décida et mit un pied sur le premier échelon de l’escalier.

Mais on gronda sous la voiture.

Il recula. La gueule ouverte reparut.

— Paix ! cria la voix de l’homme.

La gueule rentra. Le grondement cessa.

— Monte, reprit l’homme.

L’enfant gravit péniblement les trois marches. Il était gêné par l’autre enfant, tellement engourdie, enveloppée et roulée dans le suroit qu’on ne distinguait rien d’elle, et que ce n’était qu’une petite masse informe.

Il franchit les trois marches, et, parvenu au seuil, s’arrêta.

Aucune chandelle ne brûlait dans la cahute, par économie de misère probablement. La baraque n’était éclairée que d’une rougeur faite par le soupirail d’un poêle de fonte où pétillait un feu de tourbe. Sur le poêle fumaient une écuelle et un pot contenant selon toute apparence quelque chose à manger. On en sentait la bonne odeur. Cette habitation était meublée d’un coffre, d’un escabeau, et d’une lanterne, point allumée, accrochée au plafond. Plus, aux cloisons, quelques planches sur tasseaux, et un décroche-moi-ça, où pendaient des choses mêlées. Sur les planches et aux clous s’étageaient des verreries, des cuivres, un alambic, un récipient assez semblable à ces vases à grener la cire qu’on appelle grelous, et une confusion d’objets bizarres auxquels l’enfant n’eût pu rien comprendre, et qui était