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l’infiniment petit ; l’harmonie a pour contrecoup la convulsion ; l’immobilité n’est autre chose que du tourbillon fixe ; la Voie lactée ressemble à un nuage ; une bande de vapeurs ressemble à une chaîne de montagnes ; un fleuve coule dans l’arbre, une ramification tord, détaille et multiplie le cours d’eau ; la sève est un sang ; la clarté est une onde ; le mouvement est une combustion ; vivre, c’est brûler ; consommer est identique à consumer ; l’activité est uniforme ; toute la matière est maniée de la même façon ; l’élément se fond dans l’atome ; des superpositions dans l’unité, c’est là l’univers ; nulle différence entre une poignée de cendre et une poignée de mondes ; même condition d’être, presque même aspect, avec des nuances de durée ; même refonte perpétuelle ; même enclume en haut et en bas ; le travail, ici haletant, là impassible, éclate de la même manière, dans le momentané comme dans l’inextinguible, et le songeur, muet de conviction et de surprise, regarde s’émietter le feu de la forge en étincelles et le feu de l’abîme en étoiles.

Notre dépendance cosmique, constatée aujourd’hui, mais que la science myope cherche à circonscrire, se manifestera de plus en plus. Tel phénomène terrestre, encore obscur à cette heure, est un dérivé zodiacal.

Les évolutions sidérales pèsent sur le déplacement de nos saisons. Il faut à l’aiguille aimantée six cent vingt ans pour qu’elle accomplisse son oscillation complète à l’ouest et à l’est du méridien. Ainsi l’oscillation actuelle, commencée en 1660, ne s’achèvera qu’en 2280. La loi des tempêtes est liée à cette oscillation. Dans cette révolution de six cent vingt ans, c’est tantôt le pôle asiatique, tantôt le pôle américain, qui est le plus froid. L’unité et l’adhérence s’affirment sous bien d’autres formes encore. Franklin a prouvé que les coups de vent du Nord-Est avaient leur source au Sud-Ouest. Au sud de l’équateur, les ouragans tournent dans le sens des aiguilles d’une montre, et, au nord de l’équateur, en sens inverse. Les explosions de feu grisou dans la terre coïncident avec les coups d’équinoxe sur la mer. Arcanes redoutables que la navigation doit étudier.


VII

On peut soupçonner de tout le phénomène. Il en est capable. L’hypothèse dénonce l’infini ; c’est ce qui la fait grande. Derrière le fait apparent elle cherche le fait réel. Elle demande à la création sa pensée, puis son arrière-pensée. Les grands inventeurs scientifiques sont ceux qui tiennent la nature pour suspecte. Suspecte d’accroissement, d’extension, d’exfoliation obscure, de pousses profondes dans toutes les directions, de végétation indéfinie ; suspecte de prolongements dans l’invisible. C’est vers ces prolongements que se dirige le tâtonnement sublime de l’hypothèse. Qui entrevoit ces prolongements dans l’invisible de la création est le mage ; qui entrevoit ces prolongements dans l’invisible de la destinée est le