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NOTES DE L’ÉDITEUR.

cette pièce signée par Victor Hugo, il la réclame instamment. Mais Victor Hugo voit en perspective des procès, des frais qu’entraîneraient ces procès, et il se tient d’autant plus sur la défensive que le traité reconnaissant à Lacroix tous ses droits de propriété lui semble une arme suffisante sans qu’il soit encore obligé de signer un nouveau papier. Lacroix lui dit alors : Donnez-moi au moins la préface pour que je puisse faire paraître la première partie au plus tôt et décourager ainsi les contrefacteurs qui nous guettent.


La préface devient nécessaire, cher maître, le temps est là, car il vous en faudra envoyer l’épreuve ; et ce serait un retard pour l’apparition de l’ouvrage, si nous ne l’avons pas au plus tôt pour la composition.


Elle n’arrive pas, cette préface, et nous sommes au 16 février.

Neuf jours s’écoulent ; toujours pas de préface.

Le 25 février, Lacroix adresse à Victor Hugo une lettre pressante :


L’impression à Paris est commencée. M. Paul Meurice a reçu les bonnes feuilles. Je crains de voir la mise en vente retardée par la préface et la couverture et la table. Je pense cependant les recevoir demain avec le courrier de Guernesey.


Nous avons expliqué dans le volume précédent les causes de ce retard.

Lacroix devient nerveux ; il reçoit bien un courrier de Guernesey, mais c’est pour réclamer des secondes ou des troisièmes épreuves d’une feuille. Ah ! s’il tenait Victor Hugo à Bruxelles, quelle perte de temps épargnée !


Une épreuve dont vous redemandez une seconde, écrit-il le 27 février, entraîne quinze jours, en triple entraîne trois semaines, et tout cela pour une feuille ; vous ne sauriez croire, en vérité, combien le retard de la publication nous cause de tourments, de lettres de réclamations, de pertes même C’est une si grave et si importante affaire que les Misérables qu’il me semble que vous pourriez faire le sacrifice d’un déplacement à l’œuvre capitale de votre vie. Je ne puis assez vous prier, vous supplier instamment dans ce but. Ce n’est point un vain caprice qui me fait parler, mais la nécessité de ce voyage que chaque jour j’apprécie davantage. J’ai un pressentiment qui me fait entrevoir que ces retards nous causeront, à vous comme à nous, de sérieux embarras, nous créant chaque jour plus de périls quant à la contrefaçon.


Et Lacroix use tour à tour de la caresse, de la crainte, de la prière et de la séduction :


Nous avons à votre disposition une charmante maison, attenant à l’imprimerie, louée par nous et toute libre encore provisoirement en attendant que je l’habite ; vous y serez seul, chez vous, en maître, et dans la tranquillité la plus entière avec une certitude d’un travail que rien n’interrompra. Alors tout marcherait rapidement.

…Votre présence devient encore plus nécessaire maintenant, que la première partie va paraître et qu’il faudra faire suivre sans délai les parties suivantes, surtout la deuxième par la troisième, ou même lancer ces deux parties-là simultanément ; elles devraient paraître du 10 au 15 avril. Venez, venez, point d’issue, point de salut hors de là. Sinon chaque partie demande deux mois avant de paraître.


Victor Hugo ne se laisse toujours pas convaincre. Il travaille sans répit. Le 6 mars, il commence la révision de la quatrième partie des Misérables ; le 13 mars, il envoie à Lacroix la troisième partie : Marius.


LA PUBLICATION DE LA PREMIÈRE PARTIE : FANTINE


Pour l’instant, il s’agit de la publication de la première partie. Il semble que l’opération ne souffre pas de difficultés ; oui sans doute, pour un livre ordinaire, mais ici ce n’est pas le cas, le livre doit paraître en même temps à Bruxelles et à Paris, et l’accord doit s’établir entre Paris