Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome IX.djvu/316

Cette page a été validée par deux contributeurs.

que j’ai nourris de mon lait ! moi qui me croyais malheureuse de ne pas les retrouver ! Ayez pitié de moi ! Je veux mes enfants, il me faut mes enfants ! C’est pourtant vrai qu’ils sont là dans le feu ! Voyez mes pauvres pieds comme ils sont tout en sang. Au secours ! Ce n’est pas possible qu’il y ait des hommes sur la terre et qu’on laisse ces pauvres petits mourir comme cela ! au secours ! à l’assassin ! Des choses comme on n’en voit pas de pareilles. Ah ! les brigands ! qu’est-ce que c’est que cette affreuse maison-là ? On me les a volés pour me les tuer ! Jésus misère ! je veux mes enfants. Oh ! je ne sais pas ce que je ferais ! Je ne veux pas qu’ils meurent ! au secours ! au secours ! au secours ! Oh ! s’ils devaient mourir comme cela, je tuerais Dieu !

En même temps que la supplication terrible de la mère, des voix s’élevaient sur le plateau et dans le ravin :

— Une échelle !

— On n’a pas d’échelle !

— De l’eau !

— On n’a pas d’eau !

— Là-haut, dans la tour, au second étage, il y a une porte.

— Elle est en fer.

— Enfoncez-la.

— On ne peut pas.

Et la mère redoublait ses appels désespérés :

— Au feu ! au secours ! Mais dépêchez-vous donc ! Alors, tuez-moi ! Mes enfants ! mes enfants ! Ah ! l’horrible feu ! qu’on les en ôte, ou qu’on m’y jette !

Dans les intervalles de ces clameurs on entendait le pétillement tranquille de l’incendie.

Le marquis tâta sa poche et y toucha la clef de la porte de fer. Alors, se courbant sous la voûte par laquelle il s’était évadé, il rentra dans le passage d’où il venait de sortir.