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— Faites ajouter bout à bout plusieurs échelles courtes.

— Il faut en avoir.

— Trouvez-en.

— On n’en trouvera pas. Partout les paysans détruisent les échelles, de même qu’ils démontent les charrettes et qu’ils coupent les ponts.

— Ils veulent paralyser la république, c’est vrai.

— Ils veulent que nous ne puissions ni traîner un charroi, ni passer une rivière, ni escalader un mur.

— Il me faut une échelle, pourtant.

— J’y songe, mon commandant, il y a à Javené, près de Fougères, une grande charpenterie. On peut en avoir une là.

— Il n’y a pas une minute à perdre.

— Quand voulez-vous avoir l’échelle ?

— Demain, à pareille heure, au plus tard.

— Je vais envoyer à Javené un exprès à franc-étrier. Il portera l’ordre de réquisition. Il y a à Javené un poste de cavalerie qui fournira l’escorte. L’échelle pourra être ici demain avant le coucher du soleil.

— C’est bien, cela suffira, dit Gauvain, faites vite. Allez.

Dix minutes après, Guéchamp revint et dit à Gauvain :

— Mon commandant, l’exprès est parti pour Javené.

Gauvain monta sur le plateau et demeura longtemps l’œil fixé sur le pont-châtelet qui était en travers du ravin. Le pignon du châtelet, sans autre baie que la basse entrée fermée par le pont-levis dressé, faisait face à l’escarpement du ravin. Pour arriver du plateau au pied des piles du pont, il fallait descendre le long de cet escarpement, ce qui n’était pas impossible, de broussaille en broussaille. Mais une fois dans le fossé, l’assaillant serait exposé à tous les projectiles pouvant pleuvoir des trois étages. Gauvain acheva de se convaincre qu’au point où le siège en était, la véritable attaque était par la brèche de la tour.

Il prit toutes ses mesures pour qu’aucune fuite ne fut possible ; il compléta l’étroit blocus de la Tourgue ; il resserra les mailles de ses bataillons de façon que rien ne pût passer au travers. Gauvain et Cimourdain se partagèrent l’investissement de la forteresse ; Gauvain se réserva le côté de la forêt et donna à Cimourdain le côté du plateau. Il fut convenu que, tandis que Gauvain, secondé par Guéchamp, conduirait l’assaut par la sape, Cimourdain, toutes les mèches de la batterie haute allumées, observerait le pont et le ravin.