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Les gens passaient leur chemin. Alors elle s’arrêtait et ne disait plus rien, et se déchirait le sein avec les ongles.

Un jour pourtant un paysan l’écouta. Le bonhomme se mit à réfléchir.

— Attendez donc, dit-il. Trois enfants ?

— Oui.

— Deux garçons ?…

— Et une fille.

— C’est ça que vous cherchez ?

— Oui.

— J’ai ouï parler d’un seigneur qui avait pris trois petits enfants et qui les avait avec lui.

— Où est cet homme ? cria-t-elle. Où sont-ils ?

Le paysan répondit :

— Allez à la Tourgue.

— Est-ce que c’est là que je trouverai mes enfants ?

— Peut-être bien que oui.

— Vous dites ?…

— La Tourgue.

— Qu’est-ce que c’est que la Tourgue ?

— C’est un endroit.

— Est-ce un village ? un château ? une métairie ?

— Je n’y suis jamais allé.

— Est-ce loin ?

— Ce n’est pas près.

— De quel côté ?

— Du côté de Fougères.

— Par où y va-t-on ?

— Vous êtes à Vantortes, dit le paysan, vous laisserez Ernée à gauche et Coxelles à droite, vous passerez par Lorchamp et vous traverserez le Leroux.

Et le paysan leva sa main vers l’occident.

— Toujours droit devant vous en allant du côté où le soleil se couche.

Avant que le paysan eût baissé son bras, elle était en marche.

Le paysan lui cria :

— Mais prenez garde. On se bat par là.

Elle ne se retourna point pour lui répondre, et continua d’aller en avant.