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NOTES DE L’ÉDITEUR.

Temple. Il avait cru tout d’abord devoir indiquer le nom du premier couvent et l’emplacement ; mais le régime de 1852 lui inspirant une médiocre confiance, et étant d’ailleurs fort susceptible d’exercer quelques tracasseries, Victor Hugo jugea nécessaire de dépayser le couvent, d’en changer le nom et de le transporter imaginairement au quartier Saint-Antoine.

Dans cette deuxième partie : Cosette, il ajoute encore en 1860-1862 le livre Parenthèse et tout le récit tragique sur Jean Valjean dans le cercueil.

Dans la troisième partie : Marius, Victor Hugo nous présente en 1845-1848 le petit Gavroche, le Grand Bourgeois, Marius dans la misère après sa brouille avec Gillenormand, Cosette au Luxembourg et la scène du guet-apens dans la masure Gorbeau.

Là encore le roman se poursuit dans ses développements principaux ; mais Victor Hugo complète cette partie en 1860-1862. Il nous donne d’abord les signes particuliers du gamin de Paris, puis un portrait plus étudié de Gillenormand ; il crée un nouveau personnage, le lancier Théodule, arrière-petit-neveu de Gillenormand, et ajoute le livre : les Amis de l’A B C, qui lui permettra d’expliquer la transformation politique de Marius au contact de ces jeunes révolutionnaires.

Enfin il donne un livre nouveau : Patron-Minette, où il nous montre ses principaux bandits : Babet, Gueulemer, Claquesous, Montparnasse et leurs affiliés, qui prenaient déjà une part active au roman, mais dont la physionomie n’était pas encore développée.

Ce livre était très étendu et contenait une étude sur le mal social souterrain ; Victor Hugo détacha de cette étude la plus grande partie, la réservant pour son livre l’Âme, livre qu’il n’a pas écrit. Nous l’avons donnée dans le Reliquat.

La quatrième partie : l’Idylle rue Plumet et l’Épopée rue Saint-Denis, était arrêtée en 1845-1848 ; l’amour de Marius, ses visites à Cosette, l’attaque des barricades, l’histoire de Gavroche, le cabaret de Corinthe, la mort de Mabeuf, l’arrivée de Marius à la barricade, toutes ces scènes et bien d’autres encore étaient racontées.

En 1860-1862 Victor Hugo a ajouté notamment plusieurs chapitres sur Louis-Philippe, la cadène, sujet d’étonnement et de frayeur pour Cosette, brusque évocation du passé pour l’ancien galérien, l’agression de Montparnasse contre Jean Valjean, les gaietés de Bossuet, Joly et Grantaire, et un livre sur les aventures de Gavroche et les angoisses de Jean Valjean devant le buvard de Cosette.

Dans cette partie encore, Victor Hugo n’a fait que compléter les chapitres de 1845-1848.

On voit, par cet examen rapide, que le roman avait bien été conçu tout entier et écrit dans ses quatre premières parties en 1845-1848. Il a été brusquement interrompu lors de la révolution, et si, en 1851, Victor Hugo a écrit quelques pages, en fait, pendant douze ans il avait abandonné son roman.

Il s’était donné tout entier à la politique d’abord, puis à la poésie, et lorsqu’il entreprit la cinquième partie : Jean Valjean, en 1860-1862, il n’avait que ses documents, documents précieux recueillis à Paris, notamment sur la bataille des rues et sur les égouts ; mais le travail restant était considérable, il fallait coordonner les souvenirs anciens, raconter cette guerre entre quatre murs, la prise de la barricade, la marche fantastique de Jean Valjean dans l’égout, sa rencontre avec Thénardier et avec Javert, la mort de Javert, le mariage de Cosette, et enfin la mort sublime de Jean Valjean.