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NOTES DE L’ÉDITEUR.




HISTORIQUE DES MISÉRABLES.


La période de 1829 à 1834 est une des plus orageuses et des plus fécondes de la vie de Victor Hugo.

Pour le théâtre c’est Marion de Lorme, Hernani, le Roi s’amuse, Lucrèce Borgia, Marie Tudor ; pour la poésie ce sont Les Orientales et Les Feuilles d’automne ; pour le roman c’est Notre-Dame de Paris.

À cette même époque, Victor Hugo conçut les Misères qu’il devait appeler plus tard les Misérables.

Tout jeune encore, il avait traversé de douloureuses épreuves, il avait dû lutter ; et, en dépit de son éducation première qui l’avait entraîné vers la royauté d’abord, vers le bonapartisme ensuite, le spectacle des injustices, l’application de lois rigoureuses avaient éveillé en lui des instincts démocratiques. Il songeait volontiers que la société n’avait pas rempli tous ses devoirs vis-à-vis des déshérités en les laissant dans l’ignorance, cette grande semeuse de mauvaises passions, qu’elle devait introduire plus de mansuétude dans ses lois et montrer plus de respect pour la vie humaine ; et, à vingt-six ans à peine, il publiait, en 1828, Le Dernier Jour d’un Condamné ; puis, en 1832, Claude Gueux ; il avait déjà, et depuis trois ou quatre ans, des notes et un plan vague de livre sur les malheureux : il était ainsi conduit, à cette même époque, à préparer un grand roman sur la misère et à se pencher vers ceux dont l’âme n’est pas pervertie, mais dont la fatalité du sort a fait des coupables d’un jour. Il a rêvé tout d’abord de donner le roman des vagabonds, des bohèmes, des abandonnés, des meurt-de-faim ; et l’échelle des pénalités autrefois si impitoyables lui semble avoir été établie par des législateurs sans indulgence pour une humanité nécessairement faillible.

Cette idée maîtresse de son roman, il la possède tout entière, mais il veut la mieux préciser, la rendre plus accessible et plus saisissante en choisissant un fait particulier, un de ces cas fréquents qu’on lit dans les journaux, l’histoire de quelque coupable qui encourt toutes les sévérités de la loi, et peut invoquer des excuses pour la faute commise ; et c’est vers 1828 ou 1829 que Victor Hugo prend des notes destinées à son roman de la misère ; le papier et l’écriture ne laissent guère de doute sur la date, car ils sont semblables au papier et à l’écriture des notes de Marion de Lorme.

Sa première intention a été de faire un livre religieux, comme il le dit dans sa préface jusqu’alors inédite, religieux « à un certain point de vue idéal, mais absolu ; indéfini, mais inébranlable ». Il a cherché : il a trouvé son héros ; il ne veut pas dire si cette histoire est « arrivée » ; comme on l’a lu dans une ébauche de préface écrite vers 1830[1], « l’important n’est pas qu’une histoire soit véritable, mais qu’elle soit vraie ». Elle était vraie en effet.


LES ORIGINES DES MISÉRABLES.

Victor Hugo avait découvert que, vers 1806, un évêque avait joué un rôle

  1. Reliquat, tome I.