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LE MANUSCRIT DES MISÉRABLES.

Les deux pages « ci-jointes » commencent actuellement en effet le chapitre Ier ; elles ont été, le texte seul l’indique, écrites à Guernesey. Victor Hugo avait d’abord voulu modifier l’itinéraire de sa « Chasse noire » selon le Paris de 1862, mais il n’avait pu obtenir les renseignements précis qu’il demandait dans cette note :


Me dire s’il y a dans les rues des maisons nouvelles et leur numéro.


Que faire ? les lecteurs de 1862 pourront-ils se reconnaître dans cette description écrite en 1847 ?

Cette difficulté même inspire alors au poète, au Français, deux pages exquises où, sous prétexte de topographie, il fait passer dans l’âme du lecteur un peu de sa tristesse d’exilé, de ses regrets et de son amour de « tous ces lieux qu’on ne voit plus, qu’on ne reverra peut-être jamais ».


Avant de continuer la description du livre V, nous sommes forcé de citer deux notes placées en tête du livre VI, et qui ont amené les modifications des livres V et VI :


Texte non modifié, tel que je l’ai écrit dans la réalité absolue.

Aujourd’hui, vu le régime et les tracasseries possibles, j’ai dû dépayser le couvent, en changer le nom et le transporter imaginairement quartier Saint-Antoine.


25 janvier 1862.


Le lieu, fort respectable d’ailleurs, où les aventures de ce livre vont pénétrer, existait très réellement dans Paris à l’époque où se passent les faits que nous racontons, mais pour des raisons que l’auteur aura peut-être l’occasion d’expliquer plus tard, il convient, en cette année 1861 où nous sommes, que cette réalité soit voilée. Le lecteur donc trouvera bon que désormais nous le dépaysions un peu en supprimant le nom des rues et les indications qui pourraient faire reconnaître le quartier.


(Transporter la chose quartier
Saint-Antoine.)
(Ne faire les altérations de cette
nature que sur la copie.)

Cette copie, placée à la fin du manuscrit, comprend soixante feuillets, parmi lesquels on en trouve dix de l’écriture de Victor Hugo.

Nous en parlerons souvent au cours de la description du livre V. Établissons d’abord ceci : Victor Hugo, ayant choisi un autre quartier pour le couvent où Jean Valjean et Cosette se réfugieront, devait, par cela même, changer l’itinéraire suivi par Jean Valjean pour arriver à ce couvent situé d’abord sur la rive gauche ; pour aller au quartier Saint-Antoine il fallait traverser la Seine ; ce déplacement a amené l’incident du pont d’Austerlitz, incident qui n’existait naturellement pas sur le manuscrit de 1847. La version définitive remplit dix feuillets originaux mêlés à la copie dont nous avons parlé plus haut ; le lecteur nous saura gré de rétablir les passages tels qu’ils ont été écrits primitivement, quand le couvent était situé sur la rive gauche ; nous citerons donc le manuscrit de 1847, à partir de cette ligne :


[Jean Valjean reconnut parfaitement Javert. (Voir page 153.)]