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LES MISÉRABLES. — MARIUS.

une idée. Si elle eût été homme, elle se fût frappé le front. Elle apostropha Théodule :

— Sais-tu que ton cousin ne te connaît pas ?

— Non. Je l’ai vu, moi ; mais il n’a jamais daigné me remarquer.

— Vous allez donc voyager ensemble comme cela ?

— Lui sur l’impériale, moi dans le coupé.

— Où va cette diligence ?

— Aux Andelys.

— C’est donc là que va Marius ?

— À moins que, comme moi, il ne s’arrête en route. Moi, je descends à Vernon pour prendre la correspondance de Gaillon. Je ne sais rien de l’itinéraire de Marius.

— Marius ! quel vilain nom ! Quelle idée a-t-on eue de l’appeler Marius ! Tandis que toi, au moins, tu t’appelles Théodule !

— J’aimerais mieux m’appeler Alfred, dit l’officier.

— Écoute, Théodule.

— J’écoute, ma tante.

— Fais attention.

— Je fais attention.

— Y es-tu ?

— Oui.

— Eh bien, Marius fait des absences,

— Hé hé !

— Il voyage.

— Ah ah !

— Il découche.

— Oh oh !

— Nous voudrions savoir ce qu’il y a là-dessous.

Théodule répondit avec le calme d’un homme bronzé :

— Quelque cotillon.

Et avec ce rire entre cuir et chair qui décèle la certitude, il ajouta :

— Une fillette.

— C’est évident, s’écria la tante qui crut entendre parler M. Gillenormand, et qui sentit sa conviction sortir irrésistiblement de ce mot fillette, accentué presque de la même façon par le grand-oncle et par le petit-neveu.

Elle reprit :

— Fais-nous un plaisir. Suis un peu Marius. Il ne te connaît pas, cela te sera facile. Puisque fillette il y a, tâche de voir la fillette. Tu nous écriras l’historiette. Cela amusera le grand-père.

Théodule n’avait point un goût excessif pour ce genre de guet ; mais il