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L’OBÉDIENCE DE MARTIN VERGA.

ans au Petit-Picpus, chantent les offices sur une psalmodie grave, plain-chant pur, et toujours à pleine voix toute la durée de l’office. Partout où il y a un astérisque dans le missel, elles font une pause et disent à voix basse : Jésus-Marie-Joseph. Pour l’office des morts, elles prennent le ton si bas, que c’est à peine si des voix de femmes peuvent descendre jusque-là. Il en résulte un effet saisissant et tragique.

Celles du Petit-Picpus avaient fait faire un caveau sous leur maître-autel pour la sépulture de leur communauté. Le gouvernement, comme elles disent, ne permit pas que ce caveau reçût les cercueils. Elles sortaient donc du couvent quand elles étaient mortes. Ceci les affligeait et les consternait comme une infraction.

Elles avaient obtenu, consolation médiocre, d’être enterrées à une heure spéciale et en un coin spécial dans l’ancien cimetière Vaugirard, qui était fait d’une terre appartenant jadis à leur communauté.

Le jeudi ces religieuses entendent la grand’messe, vêpres et tous les offices comme le dimanche. Elles observent en outre scrupuleusement toutes les petites fêtes, presque inconnues aux gens du monde, que l’église prodiguait autrefois en France et prodigue encore en Espagne et en Italie. Leurs stations à la chapelle sont interminables. Quant au nombre et à la durée de leurs prières, nous n’en pouvons donner une meilleure idée qu’en citant le mot naïf de l’une d’elles : Les prières des postulantes sont effrayantes, les prières des novices encore pires, et les prières des professes encore pires.

Une fois par semaine, on assemble le chapitre ; la prieure préside, les mères vocales assistent. Chaque sœur vient à son tour s’agenouiller sur la pierre, et confesser à haute voix, devant toutes, les fautes et les péchés qu’elle a commis dans la semaine. Les mères vocales se consultent après chaque confession, et infligent tout haut les pénitences.

Outre la confession à haute voix, pour laquelle on réserve toutes les fautes un peu graves, elles ont pour les fautes vénielles ce qu’elles appellent la coulpe. Faire sa coulpe, c’est se prosterner à plat ventre durant l’office devant la prieure jusqu’à ce que celle-ci, qu’on ne nomme jamais autrement que notre mère, avertisse la patiente par un petit coup frappé sur le bois de sa stalle qu’elle peut se relever. On fait sa coulpe pour très peu de chose. Un verre cassé, un voile déchiré, un retard involontaire de quelques secondes à un office, une fausse note à l’église, etc., cela suffit, on fait sa coulpe. La coulpe est toute spontanée ; c’est la coupable elle-même (ce mot est ici étymologiquement à sa place) qui se juge et qui se l’inflige. Les jours de fêtes et les dimanches il y a quatre mères chantres qui psalmodient les offices devant un grand lutrin à quatre pupitres. Un jour une mère chantre entonna un psaume qui commençait par Ecce, et, au lieu de Ecce, dit à haute