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RELIQUAT DES MISÉRABLES.

dernier mot.

Ô vous tous qui venez de lire ce livre, est-ce que vous pouvez croire qu’il n’y a pas une autre vie ? [1862.]




Nous donnons ici un grand fragment que Victor Hugo n’a pas cru devoir introduire dans son roman. C’est le récit du mariage de Tholomyès. À vrai dire, ce personnage, séducteur de Fantine et père de Cosette, ayant disparu dès le livre IV du roman, l’aventure de son mariage n’était plus qu’une complication inutile et difficile à rattacher à l’action. Il nous a paru néanmoins curieux de montrer le parti que Victor Hugo songeait à tirer d’un personnage auquel il aurait peut-être voulu donner un rôle moins effacé dans la suite :

M. Brouable était un homme qui avait la prétention de s’y connaître.

— Je m’y connais, disait-il à toute occasion.

Il avait fait sa fortune dans les cotons. Il avait une femme et une fille.

Il demeurait rue Saint-Jacques, à Paris.

Sa sagacité fut mise à l’épreuve.

Ceci nous ramène à Tholomyès.

Tholomyès avait fait une fausse sortie. Il était, pour ainsi dire, parti par une barrière et rentré par l’autre. Quelques mois après ce qu’on pourrait appeler son évasion, on le revoyait à Paris.

« On le revoyait » n’est pas le mot exact, car Tholomyès s’était arrangé de façon à ce qu’aucun de ses anciens amis ne le rencontrât. Il était un peu rentré à Paris comme un voleur. Qu’y venait-il faire, en effet ? il venait voler un mariage.

Tholomyès, en quittant Fantine, avait jeté l’orange pressée, ce qui suffit à un homme de bon sens ; mais il avait en outre un but sérieux.

L’industrie du coton commençait à poindre à cette époque dans le quartier Saint-Jacques et dans le faubourg Saint-Marceau. Elle y avait rapidement créé deux ou trois belles fortunes. Une de ces fortunes avait paru sortable à Tholomyès. Le capital était avenant. On pouvait se souder à ce capital au moyen d’une fille unique qu’il y avait dans cette fortune.

Cette fille unique était Mademoiselle Brouable, fille du père que nous avons dit.

Tholomyès n’avait que quatre mille livres de rente. Être réduit à cela pour toute sa vie, c’était un péril grave. Il jeta son cigare, éteignit ses calembours, lâcha Fantine et boutonna son habit. En présence du danger, Tholomyès refermait son débraillé comme l’huître sa coquille. Alors, n’ayant plus rien de ce qui le faisait étinceler, silencieux et gauche par peur de faire des faux pas et de glisser dans le mauvais goût, il devenait à peu près stupide, et avait tout ce qu’il fallait pour plaire correctement.

Il réussit à ouvrir des aboutissants du côté de « la grosse fortune ».

Il se fit présenter au capital, au père et à la fille. Il saisit un joint et entra dans