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et qui, par on ne sait quel hideux prodige, extrait de l’océan la tempête ?

Multipliez ce genre de questions, elles s’enfoncent et se perdent, et vous en savez autant après la dernière qu’après la première. L’air et la mer, action et réaction ; le vent gronde sur terre, sur mer il règne ; là il a la liberté du despote ; l’eau est la multitude du vent. Le quidquid délirant ne s’applique pas moins aux aquilons qu’aux rois. Scoresby, l’homme-baromètre, qui prédisait dix-sept orages sur dix-huit, hoche la tête en présence de l’océan, et se borne à vous dire : « Tout goéland qui semble s’évader, tout pétrel qui fuit est suivi de la bourrasque ». Kœmtz ajoute : « Thermomètre qui monte, baromètre qui baisse, la tourmente approche ». Rien de plus. Voilà tout ce qu’on sait de ce prodigieux tremblement perpétuel.


Dans de certaines mers, dans la Baltique, par exemple, les lames ont une telle puissance qu’en entrant dans la Neva, elles arquent les ponts et les font sauter. Un glaçon flottant coupe un pilotis comme un rasoir coupe un poil de barbe. La vaporisation incessante de l’eau alourdit la surface par un excès de sel, la précipite, et remplace continuellement la couche supérieure plus pesante par la couche inférieure plus légère ; de là l’immense circulation horizontale de l’océan.

Dans cette masse toujours remuée, il y a des turbines naturelles, comme le Maelstrom, ce redoutable nombril des flots ; il y a des fleuves ; les courants ne sont pas autre chose que des torrents dans la mer et des rivières à vau-l’eau ; un de ces courants, le Gulf-Stream, est un fleuve d’eau tiède ; il a trois cents lieues de large ; il part des côtes du Mexique et s’en vient, après un parcours de deux mille lieues, changer la température de l’Europe.

Ce Gulf-Stream, en particulier, est un surprenant phénomène de circulation dans l’agitation ; la nature emploie à sa mise en mouvement trois forces : les vents alizés, qui refoulent les eaux tropicales dans ce grand cirque des vagues qu’on nomme le golfe du Mexique ; la pesanteur de l’eau polaire, qui étant plus froide est plus lourde et vient, mue par son poids, remplacer l’eau équatoriale, et enfin une sorte d’écluse de chasse composée de cinq fleuves, le Chagres, l’Amazone, le Magdalena, l’Orénoque et le Mississipi. Jamais de trêve aux flots. Deux fois par jour, Atlantique, Pacifique, océan Austral, océan Boréal, montent et descendent ; une prodigieuse oscillation agite, d’un bord à l’autre, cette cuvette. En Chine, il y a, par révolution diurne, trois marées, que Macgowan attribue à la fréquence des tremblements de terre. Car c’est la mer qui emplit les chaudières que les volcans chauffent.