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PRÉFACE PHILOSOPHIQUE.

soit précédée d’une espèce de méditation préalable en commun avec le lecteur ». Et pendant des semaines, c’est le côté philosophique et religieux de son roman qui l’attire et l’absorbe. Il veut donner sa profession de foi dans une préface en deux parties.

La première partie est rédigée entièrement, mais l’a entraîné très loin ; il est dès lors obligé de résumer ses idées dans une seconde partie, comptant les exposer ultérieurement avec plus d’ampleur. Il réunit toutes ces pages dans un dossier et il inscrit cette note sur la couverture :

Ce dossier contient un quasi-ouvrage sur ma philosophie religieuse personnelle, pouvant servir, soit de préface spéciale aux Misérables, soit de préface générale à mes œuvres.

La première partie établit Dieu, la deuxième établit l’Âme. La première est achevée (à la révision définitive près), la seconde est très incomplète, et comme déductions et comme développement.

Cela pourrait encore être utilement mêlé à des Mémoires sur ma vie intellectuelle.

Le petit dossier qui est à la fin contient des notes et des choses à développer sur la même question religieuse.

J’interromps ceci pour reprendre mon travail principal. J’achèverai plus tard ce qui est commencé dans ce dossier.|90}}

14 août 1860.

Et cette note en haut de la page :

Dans le cas où je ferais le chapitre Prière (après le couvent), il y a dans la première partie et dans le petit dossier de la fin des choses à employer.

Cette dernière note indique bien que cette préface était surtout destinée aux Misérables.

Victor Hugo reprend son roman et, ainsi qu’il le mentionne dans ses carnets, la période de méditation se prolonge jusqu’au 30 décembre, époque à laquelle il se remet activement au travail ; la première moitié de l’année 1861 avait été consacrée à l’achèvement de l’œuvre. Il devait ensuite la réviser.

Victor Hugo avait traité avec Albert Lacroix et lui avait livré le 6 décembre 1861 la première partie des Misérables. S’il ne lui donnait pas encore la préface, c’est qu’il n’avait pas renoncé à publier sa profession de foi philosophique. Et ce n’est pas là une hypothèse. S’il avait eu alors l’intention de ne placer que douze lignes en tête de son roman, il ne lui aurait pas fallu beaucoup de temps ni beaucoup de peine pour les écrire. Il ne les aurait pas fait longtemps attendre, il n’aurait pas risqué de retarder l’apparition de l’œuvre. Lacroix avait la ferme confiance qu’il pourrait mettre en vente la première partie à la fin de février ; et comme l’édition originale comprenait dix volumes, l’intérêt le poussait à déployer toute la diligence possible pour ne pas être surpris par l’été.