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il avait eu la superstition touchante de se frapper avaient mal fait leur devoir ; aucun des coups qu’il s’était portés n’était dangereux. Il n’y avait de mortelles pour lui que les blessures qu’il avait faites à M. D.

Les interrogatoires commencèrent. On lui demanda si c’était lui qui avait tué le directeur des ateliers de la prison de Clairvaux. Il répondit : Oui. On lui demanda pourquoi. Il répondit : Parce que.

Cependant, à un certain moment, ses plaies s’envenimèrent. Il fut pris d’une fièvre mauvaise dont il faillit mourir.

Novembre, décembre, janvier et février se passèrent en soins et en préparatifs. Médecins et juges s’empressaient autour de Claude. Les uns guérissaient ses blessures, les autres dressaient son échafaud.

Abrégeons. Le 16 mars 1832, il parut, étant parfaitement guéri, devant la cour d’assises de Troyes. Tout ce que la ville peut donner de foule était là.

Claude eut une bonne attitude devant la cour. Il s’était fait raser avec soin, il avait la tête nue, il portait ce morne habit des prisonniers de Clairvaux, mi-parti de deux espèces de gris.

Le procureur du roi avait encombré la salle de bayonnettes, « afin, dit-il à l’audience, de contenir tous les scélérats qui devaient figurer comme témoins dans cette affaire ».

Lorsqu’il fallut entamer les débats, il se présenta une difficulté singulière. Aucun des témoins des événements du 4 novembre ne voulait déposer contre Claude. Le président les menaça de son pouvoir discrétionnaire. Ce fut en vain. Claude alors leur commanda de déposer. Toutes les langues se délièrent. Ils dirent ce qu’ils avaient vu.

Claude les écoutait tous avec une profonde attention. Quand l’un d’eux, par oubli, ou par affection pour Claude, omettait des faits à la charge de l’accusé, Claude les rétablissait.

De témoignage en témoignage, la série des faits que nous venons de développer se déroula devant la cour.

Il y eut un moment où les femmes qui étaient là pleurèrent. L’huissier appela le condamné Albin. C’était son tour de déposer. Il entra en chancelant. Il sanglotait. Les gendarmes ne purent empêcher qu’il n’allât tomber dans les bras de Claude. Claude le soutint et dit en souriant au procureur du roi : — Voilà un scélérat qui partage son pain avec ceux qui ont faim. — Puis il baisa la main d’Albin.

La liste des témoins épuisée, monsieur le procureur du roi se leva et prit la parole en ces termes : — Messieurs les jurés, la société serait ébranlée jusque dans ses fondements, si la vindicte publique n’atteignait pas les grands coupables comme celui qui, etc.

Après ce discours mémorable, l’avocat de Claude parla. La plaidoirie